Depuis 2013, l’or a été mainte fois enterré (« c’en est fini de l’or »), puis ressuscité à chaque soubresaut de hausse. Résistant contre tout un tas de facteurs favorables à sa hausse, manipulé, il était difficile de savoir si l’or était devenu un actif sans avenir ou au contraire, un placement plein de promesses, couvant comme la braise sous la cendre. À la lumière du jeu qui se joue entre les devises, Christophe Vereecke, conseiller analyste chez AuCOFFRE.com, nous offre une rétrospective de l’or sur 2014 et nous éclaire de son analyse sur les perspectives positives de l’or à court et à long terme.
LORetLARGENT.info : On a parlé de baisse du cours de l’or en 2014, est-ce le cas dans toutes les devises ?
Christophe Vereecke – Si l’on remonte un peu, on peut dire que 2013 a été une mauvaise année pour l’or dans toutes les devises, mais ça n’a pas été le cas en 2014, où l’appréciation de l’or était de 13 % en euro et de 6 % en livre sterling. Il n’y a qu’en dollar que l’or a sous-performé de 0,19 % juste sur le fil en d’année car une clôture annuelle marque les esprits et inscrit les performances utilisées par les médias.
L’euro ayant baissé, l’or a performé dans la monnaie unique en 2014. Et pour de multiples raisons, l’euro va continuer de baisser dans les prochains mois :
– possibilité d’un Quantitative Easing européen (planche à billets donc dilution) (22 janvier) ;
– possibilité d’un énième report du Quantitative Easing donc approfondissement de la déflation en Europe (22 janvier) ;
– élection grec avec arrivée probable de Syrisa dans le jeu politique – sortie éventuelle de la Grèce de l’euro (25 janvier) ;
– attaque de la dette française (certains hedge fund US se sont déjà positionnés à l’automne) ;
– attaque de la dette italienne ;
– approfondissement de la crise ukrainienne avec pour conséquence l’affaiblissement du commerce entre la Russie et l’Allemagne.
Etc.
LORetLARGENT.info : Peut-on dire que l’or a baissé en dollars car le cours de l’or en dollar est plus facilement manipulable ?
Christophe Vereecke – Depuis des années, on parle de conspiration de manipulation. En 2014, la conspiration est devenue réalité (cf. Barclays et UBS, organismes régulateurs impliqués dans la manipulation des prix de l’or).
On peut dire que l’or étant coté en dollar, il est évident que lorsqu’il y a manipulation, c’est en dollar (qui est la 1re place de cotation). Il est étonnant de voir toujours aux mêmes heures des ventes massives d’or et d’argent dans de tels volumes… Un vendeur qui a besoin de liquider une position s’y prendrait autrement, en répartissant ses ventes afin de travailler son prix.
LORetLARGENT.info : Quelle est la réalité de l’or physique prétendument vendu par contrat (l’or de bourse) ?
Christophe Vereecke – On parle d’un marché papier 100 fois plus important que le marché physique. Il est normal que l’on ait plus de volumes sur le marché papier que sur le marché physique, mais les proportions sont en revanche anormales. Aujourd’hui, nous estimons qu’il existe autour de 100 onces papiers (sous forme de certificats, d’ETF…) pour 1 once d’or physique. De ce fait, il vaut mieux acheter de l’or sous sa forme physique pour éviter un risque éventuel de livraison. Car si chacun voulait convertir son or papier en or physique, il y aurait un problème…
LORetLARGENT : Peut-on avoir les mêmes soupçons quant à la quantité d’or réelle détenue dans les coffres des banques centrales, notamment celle de la FED ?
Christophe Vereecke – Le dernier audit des stocks d’or américains date de 1953. Plusieurs autres demandes d’audit ont été effectuées et systématiquement écartées. Pourquoi ? Le cas de l’Allemagne est assez symptomatique. Lorsque le pays a demandé un audit de ses réserves d’or détenues à la FED, l’Allemagne a été renvoyée chez elle, avec pour seule promesse que son or lui serait totalement restitué d’ici 2020.
Maintenir une confiance demanderait des réponses un peu plus claires. Pour avoir confiance, il faut montrer patte blanche et les États-Unis font tout le contraire. Il faudrait faire taire la rumeur (comme quoi cet or s’est « volatilisé ») en faisant un vrai audit une fois pour toutes prouvant que l’or est vraiment là. Si l’on veut inspirer confiance, on a tout intérêt à se montrer honnête.
LORetLARGENT : Doit-on conclure qu’il y a une pénurie d’or physique à venir ?
Christophe Vereecke – Avec les prix bas de 2013 et 2014, il y a une mise en péril de l’industrie productive. On a de ce fait une diminution, donc une baisse ou un report des budgets d’exploitation et donc de la production future. Le constat est identique pour beaucoup d’autres matières premières comme le cuivre par exemple. Pour l’argent, les coûts de production tournent actuellement autour de 19 $ (c’est une moyenne des prix observés pour les minières) avec une cotation à 17 $. Le problème est que l’on n’a pas découvert de gros dépôts d’or depuis 30 ans. Le dernier pic de découvertes remonte à 1985, il y a 30 ans.
Les nouveaux dépôts d’or sont de moins en moins nombreux et de moins bonne qualité. De plus, on a de plus en plus de mal à extraire l’or des mines existantes. Par tonne extraite, le nombre de grammes d’or diminue. Entre la découverte d’un filon et sa mise en production, il faut compter entre 10 et 20 ans.
Compte tenu de tous ces éléments, on va vers une raréfaction de l’or. La production déclinante ne pourra en aucun cas satisfaire la demande.
Si la demande est forte, alors on peut parler de pénurie. Or les économies émergentes (l’Inde et la Chine surtout) continuent de consommer beaucoup d’or. La seule demande chinoise représente 2 150 tonnes par an (soit 75 % de l’offre, de la production annuelle qui est de 2 900 tonnes).
Après avoir constaté que l’offre risquait de décliner et la demande d’augmenter, combien de temps va-t-il se passer avant que nous assistions à une réévaluation du prix de l’or, afin de pallier une pénurie d’or physique plus que probable ?
LORetLARGENT.info : En quoi les dettes des États vont-t-elle influer sur le cours de l’or ?
Christophe Vereecke – Depuis la crise, la dette mondiale, publique et privée, continue d’augmenter inexorablement. Elle est estimée par certains spécialistes entre 245 et 300 % du PIB mondial. La tendance serait de 250 % du PIB dans les pays émergents et de l’ordre de 400 % pour les pays développés. La dette mondiale approche des 250 trillions de dollars.