Synthèse : Austérité et croissance en Europe : l’impossible défi

Face aux taux d’endettement de la France qui devrait atteindre 95,1 % du PIB fin 2014 (1 950 milliards d’euros, soit 30 000 € par Français), la politique d’austérité prônée par tous les bords politiques (par l’Europe, les agences de notation et par la Finance) peut paraître légitime. Solution indispensable ou pansement sur une jambe de bois ? Comment mener de front rigueur et croissance ? Nous verrons à travers plusieurs exemples que la situation n’est pas prête de s’arranger, avec ou sans politique d’austérité. Et que face à ce qui dépasse les décisions de la France, il est peut-être temps, plus que jamais, de sécuriser son épargne.

L’Irlande : un faux exemple de sortie de crise

Selon cet article d’Euronews (seulement visible en cache mais dont le reportage vidéo est encore en ligne), « l’Irlande a été le premier pays sous perfusion à s’affranchir de son plan de sauvetage ». Avec une croissance proche de 2 % et un déficit en baisse, elle est « le symbole de l’austérité payante ». Mais à quel prix ? Le tribut payé est lourd : « Depuis 2008, un quart de l‘économie domestique est partie en fumée, un emploi sur sept a disparu et l’austérité n’a épargné aucun secteur », précise l’article.
Et le pays a assisté en cinq ans à un véritable exode des jeunes irlandais : 180 000 jeunes entre 15 et 24 ans ont quitté le pays. Forcément, les chiffres du chômage ont baissé, passant de 30 % à 26 %…

En outre, la « reprise » économique, l’affranchissement du plan de sauvetage du pays tient aussi à d’autres avantages qui n’ont rien à voir avec le plan d’austérité : un pays anglophone, une fiscalité avantageuse (des sociétés internationales comme Google, Microsoft, Fujistu se sont implantées en Irlande pour ne payer que 12,5 % d’impôts, contre 33 % en France)… Selon le ministre irlandais des Affaires européennes Paschal Donohoe, les exportations (qui vont de l’agriculture aux services financiers, en passant par les assurances, les activités bancaires, la haute technologie) y sont pour beaucoup. D’autres pays, comme la Grèce, ne peuvent pas se prévaloir de tels avantages et ne peuvent pas miser sur l’exportation pour redresser sa croissance, malgré des salaires de plus en plus misérables.

La Grèce : le sauvetage pour sauver la face

Le sauvetage de la Grèce ressemble quant à lui à un naufrage. En Grèce, ce n’est pas tant la montée de l’extrême droite qui inquiète que celle de l’extrême gauche. Le parti Syriza, particulièrement critique vis-à-vis des politiques européennes, est en passe de devenir le premier parti politique de la Grèce. Cité dans cet article de geopolis.francetvinfo.fr, Alexis Tsipras, le leader du parti Syriza, déclare «aujourd’hui, un nouveau «mur de l’argent» est bâti en Europe par le néolibéralisme et son gros bras – la soi-disante «Banque Centrale Européenne» qui est seulement la réplique parfaite de la Bundesbank. Un «mur de l’argent» qui ne stabilise pas mais, au contraire, menace la zone euro». Ce genre de déclaration ne plaît évidemment pas du tout aux autorités européennes qui préfèrent continuer « des injections monétaires de façades » pour faire croire que tout va mieux, plutôt que de voir l’extrême gauche ruer dans les brancards.

En Grèce, la situation est catastrophique. En 2013 déjà, il était question de pénurie dans ce billet invité du blog de Paul Jorion. Chômage de plus de 25 % et de 60 % chez les moins de 25 ans, pénurie de médicaments… Le quotidien est un véritable parcours du combattant dans ce pays qui n’est pas Athènes mais qui compte des centaines d’îles. L’approvisionnement en biens de consommation courante y est de plus en plus difficile : il faut parfois compter 3 jours qu’un bateau passe dans certaines îles moins desservies (austérité oblige) pour se faire soigner un mal de dents, attendre des mois pour recevoir une pièce de voiture, et quand les distributeurs de billets sont à sec dans certaines îles, comment fait-on pour payer l’épicier du coin qui n’est pas équipé pour accepter les cartes bancaires ?
Au rythme où vont les choses, les salaires des Grecs peuvent commencer à rivaliser avec les salaires des Chinois… C’est une génération entière qui est bradée, sacrifiée.

À qui profite l’austérité ?

Si l’on part du principe que la dette est une invention de la finance privée, alors tout est dit. On pensera ce que l’on veut d’Emmanuel Todd, mais le constat qu’il dresse dans cette interview montre bien que le problème dépasse celui de la politique au niveau national. Si « le prêt aux États est une sécurisation de l’argent des riches », rien d’étonnant alors à ce que l’outil austérité ne serve qu’à « maintenir l’État en situation de servir les intérêts »…

Forts de cette certitude, on peut rassembler un faisceau d’indices inquiétants pour l’avenir de l’Europe. Qui se soucie des implications réelles du Traité Transatlantique ? Saviez-vous qu’il portait atteinte à la sécurité sanitaire et alimentaire ? Le Monde diplomatique parle carrément de typhon qui menace les Européens. Il faut croire que l’intérêt de ce traité n’est pas flagrant pour le moment…

Ajouter à cela l’accord conclu sur la directive de « renflouement interne des banques » (Directive Européenne Bail in bancaire) qui n’est ni plus ni moins qu’une directive permettant la spoliation de l’épargne au-dessus de 100 000 € en cas de faillite bancaire (comme à Chypre)…

Il devient évident, à la lecture de ces éléments, s’il fallait encore vous en convaincre, qu’il est plus que jamais vital de sécuriser son épargne, avant de sombrer lentement et douloureusement dans une « grécification » de la France, comme le définit Charles Sannat dans cet édito du Contrarien. Car le problème de la compétitivité qui nous touche directement et empêche la France de rimer avec croissance est loin d’être résolu, tant que nous n’accepterons pas de toucher 400 € par mois…

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