« Questions sur l’or ! »

Mes chères contrariennes, mes chers contrariens !

Voici les questions qui me sont posées par le journal économique Intereconomia. Comme cette interview porte sur l’or, je vous propose de vous faire profiter de la version française des réponses apportées.

1. Quelle attractivité a maintenant l’or pour un investisseur particulier ?

La crise que nous traversons a commencé à l’été 2007. À l’époque, l’élément déclencheur était les « subprimes » américaines, raison pour laquelle finalement cette crise est connue avant tout sous le nom de « crise des subprimes ». Souvenez-vous. Nous étions en 2007. Nous sommes aujourd’hui en 2014. Cet été la crise fêtera son 7e anniversaire. 7 ans ! Que le temps passe vite n’est-ce-pas. Cela me semble hier, pourtant déjà sept années sont passées. Pourquoi j’insiste sur cette durée ? Pour une raison à la fois simple et pourtant essentielle. Cette crise n’est pas passagère, elle ne correspond pas aux cycles économiques (expansion/récession) de courte durée (5 ans) dont nous avons l’habitude. Une crise qui dure depuis 7 années n’est pas une crise conjoncturelle, c’est une crise structurelle, une crise de système, une crise de modèle, et c’est évidemment autrement plus grave qu’une simple contraction momentanée de la croissance.

Cette crise a d’abord été immobilière aux USA, puis financière, puis bancaire, puis boursière, puis enfin tout cela est devenue une crise économique. Nous avons fait des plans de relance, et tout cela nous a conduit à une crise de surendettement ou plus précisément d’endettement massif des États… tout cela finira vraisemblablement par une immense crise monétaire qui signera la matérialisation de la fin d’un système et l’entrée du monde dans un nouveau modèle économique.

L’or est la seule façon connue pour se prémunir contre une crise monétaire et nous avons environ 6 000 ans de recul sur le métal jaune ! C’est ce qui fait aujourd’hui tout autant qu’hier l’intérêt de l’or. L’or est l’assurance ultime de votre patrimoine financier. Regardez ce qui s’est passé à Chypre ! L’Espagne est un grand pays avec de grandes banques qui, quoi que l’on en dise, sont dans une situation très difficile. L’année 2013 a été consacrée à la préparation par nos élites européennes de l’élaboration du cadre juridique dans le cadre de la Directive européenne sur les bail in bancaire au « chyprage » des épargnants ! L’Espagne n’est pas à l’abri, loin de là, de voir ses banques vaciller et les épargnants ruinés. Regardez ce qu’il passe actuellement en Italie et les pertes très importantes (14 milliards d’euros) pour UniCrédit. La France n’est d’ailleurs pas plus à l’abri d’une telle éventualité que l’Espagne ou l’Italie.

Pour ceux qui pensent qu’une crise qui dure depuis 7 ans est sans gravité, l’or n’a aucun intérêt. Pour ceux qui pensent que le retour de la croissance à 10 % pour an est une certitude, alors l’or n’a aucun intérêt. Pour ceux qui pensent qu’il ne pèse plus de risques sur l’économie mondiale et européenne en particulier, alors l’or n’a aucune utilité. Sauf que cette crise n’est toujours pas terminée depuis 7 ans !!

2. Quelles perspectives a le métal précieux ?

Les perspectives pour l’or redeviennent favorables. La Chine a décidé de désaméricaniser, ce qui signifie qu’elle renforce ses réserves d’or physique, l’Inde qui était le premier consommateur va certainement changer de politique puisque l’opposition est donnée largement gagnante dans les derniers sondages, or l’opposition a indiqué qu’en cas de retour aux affaires, elle rétablirait la liberté de commerce sur l’or. Si 1,5 milliard d’Indiens reviennent sur le marché de l’or, cela augmentera de façon considérable la demande et devrait peser sur les cours.

Autre élément, il y a actuellement une enquête en cours concernant les manipulations du marché de l’or physique par les bullion banks, ce qui les oblige à plus de discrétion dans leur façon de fixer les prix et donc cela favorise la hausse des prix.

Mais ce n’est pas tout, durant l’année 2013, de très nombreux spéculateurs ont préféré vendre massivement leur or pour aller jouer le rebond des Bourses et des marchés actions. Cela signifie qu’il n’y a tout simplement plus, sur le marché de l’or, de spéculateurs à court terme mais uniquement des investisseurs de long terme.

Enfin, graphiquement, l’or a cassé la résistance à la hausse située aux alentours des 1 340 dollars l’once, ce qui libère un potentiel à la hausse situé vers les 1 780 dollars l’once avant de retrouver une résistance graphique importante à la hausse sur laquelle le cours pourrait être plus facilement stoppé par les bullion banks.

3. L’or recule fortement depuis son maximum de 2011. Pourquoi acheter maintenant ? Pouvons-nous voir à nouveau l’or à $250/once ?

L’or a connu un mouvement de correction important, une consolidation, dans un marché séculier haussier (un marché haussier de très long terme).
Lors de la dernière grande hausse de l’or au milieu des années 70 et jusqu’au début des années 80, l’or a connu en 1976 une baisse de 50 % de son cours cette année-là. En 1981, son cours avait été multiplié par 8 par rapport à son point bas de l’année 1976 ! À cette époque, on nous expliquait déjà que la bulle sur l’or avait explosé !
Ce n’était évidemment pas vrai.

La bonne question à se poser est pourquoi l’or a baissé jusqu’à 250 dollars l’once ! Si nous savons pourquoi, alors nous aurons des éléments de réponse pour savoir si cela pourrait encore se reproduire.

Au début des années 80, avec l’arrivée de Thatcher et de Reagan à la tête des USA et du Royaume-Uni, ces deux grandes économies ont impulsé un mouvement très fort de lutte contre l’inflation. Le Gouverneur de la réserve fédérale (la FED), la Banque centrale américaine, poussera en 1981/1982 les taux d’intérêt jusqu’à plus de 12 %/l’an ! C’était énorme. Lorsque les taux sont élevés, il y a peu de création monétaire, donc votre monnaie s’apprécie et en plus elle rapporte plus de 12 % ! L’or avait monté en raison de l’inflation de plus de 10 % entraînée par les chocs pétroliers. Il y avait donc des raisons fondamentales et fortes qui avaient propulsé l’or au plus haut puisque l’ensemble des monnaies perdaient plus de 10 % de pouvoir d’achat chaque année. C’était également la fin des accords de Bretton Woods et la fin de la convertibilité du dollar en or.

À partir du moment où votre monnaie conserve sa valeur, où elle remplit bien sa fonction de stockage de valeur dans le temps, alors l’or n’a aucun intérêt économique.

Si les USA arrêtent les injections de monnaie et que les taux d’intérêt remontent vers les 6 % par an, alors l’or devrait considérablement baisser. Est-ce possible ? Oui, si la croissance économique mondiale, en Europe, comme en Asie et aux USA, dépasse les 7 % par an. Y croyez-vous ? Raisonnablement pensez-vous qu’avec une démographie déclinante nous puissions connaître de tels taux de croissance à l’avenir alors que depuis 40 ans la croissance moyenne de chaque décennie décroît inexorablement ? Aujourd’hui, rien ne laisse penser à un retour à une forte croissance et au plein emploi.

Plus grave, avec les taux d’endettement aussi bien américains qu’européens, si les taux d’intérêt dépassent la barre des 5 %, alors ce n’est plus une récession économique que nous connaîtrons mais une dépression du type de celle de 1929 et surtout, aucun pays dont le ratio dette sur PIB dépassant les 100 % ne pourra assumer, plongeant l’ensemble des États surendettés dans l’insolvabilité et la faillite.

Il n’y a donc pour le moment aucune raison pour que l’or retrouve des niveaux tels que ceux de la fin des années 90 et les 250 dollars que vous mentionniez. L’or baissera lorsque nous aurons réglé les problèmes qui le font augmenter. Or depuis le début de la crise, rien, je dis bien rien n’a changé. La situation s’est en réalité considérablement dégradée. Plus de dettes, plus de chômeurs, plus de fermetures d’usines, plus de précarité, plus de misère, etc. Au final, il y a plus de risques en 2014 qu’en 2007, l’avenir de l’euro est loin d’être assuré et les élections européennes risquent de nous montrer à quel point les peuples en ont assez de cette Europe.

4. Existe-t-il une manipulation dans les certificats d’or, comme le signalent quelques experts ?

Oui, sans conteste, et c’est presque normal. L’or n’est pas coté comme une action. Disons, pour simplifier, que c’est 5 grosses banques qui, chaque jour lors du « fixing » à Londres, fixent le prix de l’or dans l’opacité la plus totale. Un tel système ne peut que déboucher sur une tentation de fixer les prix dans l’intérêt des banques et non pour refléter l’état réel du marché. Plusieurs études très sérieuses démontrent sans ambiguïté la réalité de telles manipulations, et une enquête est en cours. N’oublions pas que les banques ont été condamnées à verser plusieurs milliards de dollars d’amendes en raison de manipulations identiques sur le marché du LIBOR (les taux d’emprunt)… ce n’est donc pas un mythe, mais bien une réalité.

5. Dans des moments d’inflation, acheter l’or est recommandé, et dans des moments de déflation, aussi. Quand est-ce que ce n’est pas le bon moment pour acheter l’or ?

Comme je l’ai déjà souvent expliqué, l’or protège de l’inflation car l’or « stocke de la valeur », ce que devrait faire votre monnaie qui, hélas, se déprécie en fonction de l’inflation qui l’érode.

Pour la déflation, le mécanisme est différent. Le problème de la déflation s’illustre parfaitement avec le cas grec. Le PIB de la Grèce a chuté de 24 %, oui, 24% !! Cela veut dire que si vous aviez 100 de PIB et 100 de dette, votre ration dette sur PIB était de 100 %. Soyons optimistes et disons que votre dette n’augmente pas. Elle reste de 100. Mais votre PIB, lui, comme en Grèce, baisse de 24 %. Il n’est plus que de 76 (100-24). Votre ration dette sur PIB est de plus de 120 % ! Pourtant, votre dette est restée constante. Vous devez donc comprendre que la déflation mène à l’insolvabilité, à la faillite des États et des banques. Dans ce cas, c’est la disparition de votre monnaie, de votre épargne. L’or protège donc de la déflation dans la mesure où il vous permet de stocker de la valeur hors monnaie et hors banque.

Encore une fois, l’or ne sert à rien si nous sommes dans un contexte économique saint, où les dettes et les déficits sont maîtrisés, où les taux réels sont positifs et où il y a une croissance économique pérenne et un chômage limité. En clair : l’or ne sert à rien lorsque tout va bien. Si vous pensez que tout va bien, n’achetez pas d’or. Si vous pensez que les choses ne sont pas aussi simples, alors assurez votre patrimoine avec de l’or.

6. À travers quels actifs il faut acheter l’or : ETFs, or physique… ?

Évitez surtout ce que l’on appelle communément l’or papier, c’est-à-dire les ETFs, les trackers ou les fonds indiciels. N’achetez que de l’or physique et de préférence sous forme de pièces car les pièces, tout d’abord, bénéficient de l’effet prime, et surtout vous pouvez revendre une pièce d’une valeur de 300 euros si vous avez besoin de 300 euros. Si vous avez un lingot d’une valeur de 37 000 euros… vous ne pouvez pas en couper un petit morceau !

7. Nous le verrons dans les 6 000 dollars comme il s’est dit en 2009 ? Quelles conditions économiques devraient être données pour arriver à ce prix hypothétique ?

Les conditions économiques actuelles sont largement suffisantes pour permettre à l’or de poursuivre son mouvement de hausse. Un éclatement de l’euro ou une reconfiguration de la zone euro pourrait propulser très rapidement l’or vers des sommets.

En fait, savoir quel sera le cours de l’or n’a pas vraiment d’intérêt. Car le jour où l’or vaudra 6 000 euros, ou pourquoi pas même 10 000 euros l’once, vous ne serez pas forcément riche. Pourquoi ? Simplement parce que vos euros ou vos dollars, personne n’en voudra. Dans un tel cas, ce n’est pas l’or qui est « cher », c’est la monnaie qui ne vaut plus rien. L’or ne doit pas être envisagé comme une façon de gagner de l’argent en gestion patrimoniale mais comme l’assurance ultime pour votre patrimoine.

En 1923, en Allemagne, l’once d’or valait 88 000 milliards de marks… il fallait une brouette entière de billets pour une miche de pain ! Ce n’est pas l’or qui était cher, c’était le mark qui ne valait rien.

Exprimer l’or en valeur monétaire n’a, en réalité, pas de sens car le prix de l’or reflète la perte de valeur de votre monnaie. En 1914, avec une once d’or on achetait une vache. En 2014, avec une once d’or… vous n’achetez toujours qu’une vache. En 1914, une vache coûtait 100 francs et en 2014 environ 1 300 euros soit 8 600 francs environ… mais en or, la vache coûte toujours la même chose un siècle après.

Vous devez comprendre qu’avec l’inflation, la valeur d’une monnaie tend toujours vers 0 avec le temps. L’or a ceci d’extraordinaire qu’il ne vous enrichira pas, il conserve la valeur et c’est bien tout ce que nous lui demandons.

Restez à l’écoute.

À demain… si vous le voulez bien !!

Charles SANNAT

« À vouloir étouffer les révolutions pacifiques, on rend inévitables les révolutions violentes »

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