Les banques ont-elles les reins solides ?

Si nous vous parlons des banques, c’est parce qu’elles sont le nerf de la guerre monétaire qui se joue actuellement dans le monde et que de leur « état de santé » dépend la santé économique mondiale. Après les « stress tests » auxquels la BCE et l’ABE ont soumis 130 banques européennes en octobre, on fait le point entre « réussite différée » et réalité.

Les banques dont le risque est considéré comme « systémique »

En juin 2013, Olivier Berruyer publiait un dossier très étayé sur la solvabilité des banques systémiques. Partant d’une liste de banques jugées « systémiques » (« dont la faillite pouvait causer d’énormes dommages au système bancaire mondial ») par le G20, il étudiait en détail les plus problématiques d’entre elles. Si l’on se base sur les fonds propres durs de chaque banque (fonds qui devraient leur permettre de résister à une éventuelle faillite), le constat est alarmant. « Nos banques sont en fait très pauvres » conclut-il, car elles possèdent en fait très peu de capitaux propres. Le Crédit Agricole, la Société Générale et BNP Paribas par exemple présentent un vrai problème de solvabilité.

En 2014, qu’en est-il ? La situation ne s’est bien sûr pas arrangée. En 2014, le Systemically Important Financial Institutions (SIFI) publiait la liste des 28 banques systémiques mondiales et montrait parallèlement que leur situation s’était dégradée.

Le blog de Jean-Pierre Chevallier relèvera peut-être du chinois pour certains d’entre vous, mais cet analyste financier indépendant qui se définit comme un contrarien fait un travail remarquable en passant régulièrement au crible la solvabilité des banques du monde entier.
Dans cet article du 10 novembre par exemple, il dit : « Un récapitulatif du leverage réel des 4 Gos banques (NDLR : banques systémiques) françaises à la fin de ce dernier trimestre montre clairement que la confiance ne peut pas régner dans le système bancaire en France comme en Europe car elles sont très loin de respecter les règles prudentielles d’endettement préconisées par ce bon vieux Greenspan, à savoir un leverage inférieur à 10 correspondant à un ratio Core Tier 1 supérieur à 10 %. » Pour cela, « il faudrait augmenter les capitaux propres de ces 4 Gos banques de… 428 milliards d’euros pour respecter les règles prudentielles d’endettement ».

Que se passerait-il en cas de faillite bancaire ?

Le 22 octobre dernier, la Banque centrale européenne (BCE) et l’Autorité bancaire européenne (ABE) ont soumis 130 banques européennes à des « stress tests » pour savoir si elles avaient les « reins solides ». Sur les 130 banques, 11 au moins avaient échoué aux tests de résistance à différents scénarios économiques catastrophe, nous apprenait Lecho.be : 3 banques grecques, 3 italiennes, 2 autrichiennes et 1 belge. Les banques ayant échoué aux stress tests ont neuf mois pour mettre en place un plan de recapitalisation. Est-ce suffisant ? Bien évidemment, non. C’est même illusoire.

Au même titre que le Mécanisme Unique de Résolution (MRU) mis en place en juillet 2013 par l’Union Européenne, un processus européen de surveillance et de gestion des faillites éventuelles des 130 plus grands établissement bancaires. Le MRU avait déjà soulevé un tollé auprès de la commission des finances du Sénat le 09 octobre dernier, les banques françaises devant payer 30 % du fonds de 55 milliards d’euros, contre 20 à 25 % seulement pour l’Allemagne, une répartition pour le moins inéquitable.

Autre problème, les contributions des banques françaises sont déductibles de l’impôt sur les sociétés, ce qui représenterait un manque à gagner de 5 milliards d’euros.

Dans le cadre de la prévention du risque bancaire systémique, le Sénat devait examiner le 21 octobre dernier un amendement des écologistes (qui ne passera sans doute jamais) visant à faire économiser à l’État français plus de 5 milliards d’euros, en supprimant la déductibilité fiscale des contributions des banques au Fonds de résolution bancaire européen. Car pour le sénateur écologiste André Gattolin, « l’État va devoir débourser environ 650 millions d’euros par an pendant 8 ans pour prévenir les erreurs des banques, ce qui est totalement contradictoire avec l’esprit du Fonds de résolution », une décision « stupéfiante, alors que l’heure est aux coupes tous azimuts dans les dépenses publiques », rapporte Charles Sannat dans l’édito du 20 octobre du Contrarien. Les plans de sauvetage des banques (qui paradoxalement réalisent des profits monumentaux) exposées au risque de faillite systémique peuvent se résumer à cette simple formule selon Charles Sannat : « Privatisation des gains et socialisation des pertes. » Une situation complètement injuste pour l’État (le contribuable) qui devrait payer de sa poche le sauvetage d’une banque, sans en contrepartie bénéficier d’un kopeck en cas de profit…

Enfin, les scénarios des stress tests font l’impasse sur la faillite d’État, scénario pourtant probable. Dans le Contrarien du 23 octobre  consacré aux stress tests européens, Charles Sannat demande : « Que se passe-t-il en cas de faillite d’États si les fonds propres des banques sont investis en dettes d’États et que ces États font défaut ? »
« En fait, aucune banque aujourd’hui ne peut survivre à une faillite d’État (…) Si les États tombent, les banques tombent et inversement, vu qu’ils jouent tous depuis des années à « je te tiens tu me tiens par la barbichette » ». Si une banque systémique d’un État devait couler, la réponse est simple, elle entraînerait l’État dans sa chute.

« Il est déjà trop tard pour les réponses collectives. Préparez-vous individuellement dans le cadre de votre responsabilité personnelle et restez à l’écoute » prévient Charles Sannat.