La France va légiférer par Ordonnances

Le Premier ministre a confirmé l’hypothèse d’un recours aux ordonnances pour accélérer les réformes, notamment en matière de logement. Mais en quoi cela consiste exactement ?

La porte-parole du gouvernement, Najat Vallaud-Belkacem, ainsi que le président des sénateurs PS, François Rebsamen, ont évoqué mercredi 13 mars la possibilité que François Hollande ait recourt aux « ordonnances » pour réformer plus vite. Une allusion qui fait écho aux propos du chef de l’Etat lors de son discours du mardi 12 mars, à Dijon : « Chaque fois que l’administration, l’Etat, pourra donner plus tôt une autorisation, lever une procédure qui est inutile, alléger une contrainte, on gagnera en croissance. » Mais à quelle occasion et sur quels sujets peut-on y avoir recours ?

Recours aux ordonnances pour le gouvernement

François Hollande « a pris conscience (…) de blocages importants dans notre société, de délais de prise de décision trop longs, des textes qui prennent énormément de temps de débat au Parlement (…) et donc, il est indispensable de raccourcir ces délais pour plus d’efficacité », a expliqué François Rebsamen lors de l’émission « Questions d’Info » de LCP, France Info, Le Monde et l’AFP, en estimant que « les ordonnances » étaient « un moyen » d’y parvenir.

Des ordonnances qui devraient principalement concerner l’urbanisme : « Elles portent sur un seul sujet, très limité, qui concernera la nécessité de mettre en œuvre très rapidement des modifications en matière d’urbanisme », a expliqué le ministre chargé des relations avec le Parlement, Alain Vidalies à la presse. Cependant, Jean-Marc Ayrault a déclaré ce jeudi à Ottawa que le recours aux ordonnances pour réformer ne pouvait être « qu’exceptionnel ». Il serait « détestable » que ce soit « une manière quotidienne de légiférer ».

Qu’est-ce qu’une ordonnance ?

Depuis le début de la Ve République, les gouvernements ont souvent recouru à la procédure des ordonnances pour des sujets très techniques ou des réformes très délicates. Pour pouvoir légiférer par ordonnance, le gouvernement doit avoir l’autorisation préalable de l’Assemblée, comme le prévoit l’article 38 de la Constitution : « Le gouvernement peut, pour l’exécution de son programme, demander au Parlement l’autorisation de prendre par ordonnances, pendant un délai limité, des mesures qui sont normalement du domaine de la loi. »

On peut ainsi donner l’exemple des « ordonnances Juppé » de 1996 ayant conduit à une importante modification du système de Sécurité sociale français. Le nombre d’ordonnances adoptées est toutefois en forte augmentation depuis le début des années 2000 (170 ordonnances édictées entre 2004 et 2007 sur plus de 480 adoptées depuis 1958). L’année 2005 constitue un record, puisque 83 ordonnances ont été publiées.

Comment utilise-t-on une ordonnance ?

Les ordonnances sont autant utilisées pour des raisons qui tiennent à l’encombrement de l’ordre du jour législatif, à l’impopularité des décisions à prendre ou encore à un désir d’efficacité et de rapidité. Elles sont notamment utilisées pour transposer en bloc en droit interne les directives européennes, par exemple.

Un grand nombre d’ordonnances sont aussi consacrées à l’application du droit métropolitain en outre-mer. Certaines ordonnances sont surtout techniques : ainsi celle qui, le 19 septembre 2000, a traduit en euros tous les montants en francs figurant dans la législation française. La loi d’habilitation doit fixer les domaines et la durée où le gouvernement pourra prendre des ordonnances, sous peine d’être sanctionnée par le Conseil constitutionnel français pour incompétence négative.

Qu’en pense l’opposition ?

Pour Christian Jacob, le chef de file des députés UMP à l’Assemblée, avoir recours aux ordonnances est « symptomatique d’un gouvernement qui est en train de perdre pied et qui n’a plus confiance dans sa majorité », a-t-il déclaré vendredi 15 mars sur RTL. « C’est un mépris du Parlement, de l’opposition mais aussi de la majorité » qui « va à vau-l’eau » avec « cinq textes repoussés au Sénat » où « la gauche à la majorité ». « On est en face d’un président de la République qui perd pied, d’un gouvernement qui de plus en plus, ressemble à un canard sans tête », a-t-il ajouté.

L’ancien président du Sénat (UMP), Gérard Larcher, a qualifié mercredi 13 mars d’ « inacceptable » cette possibilité de légiférer par ordonnances : « C’est quelque chose qui doit être regardé avec précaution ». De son côté, Bernard Accoyer, ancien président de l’Assemblée nationale, a critiqué ce projet qui « court-circuite le débat parlementaire ». Pour lui, « le recours aux ordonnances empêche le Parlement de débattre au fond car il prive les parlementaires de la possibilité d’amender les projets de loi gouvernementaux, en prenant directement en compte les préoccupations des Français sur le terrain ».

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