Les « pigeons » reviennent sur le devant de la scène économique. Avec un nouveau motif d’inquiétude : les montants des investissements des « business angels » (littéralement, « les anges des affaires », en réalité, des personnes prêtes à investir une partie de leur argent dans une entreprise qu’ils jugent prometteuse) dans les jeunes pousses du Web tricolores ont reculé de plus de 30 % au quatrième trimestre 2012 par rapport à la même période en 2011. Entretien avec Jean-David Chamboredon, président du fonds d’investissement des entrepreneurs Internet ISAI.
Les business angels sont-ils effectivement nettement moins actifs depuis l’entrée en vigueur de la loi de finances 2013, qui taxera désormais dans certains cas à plus de 60 % leurs plus-values futures ?
Nous avons publié cette semaine le premier indicateur trimestriel FIBAMY permettant de mesurer l’activité des business angels en France dans le secteur Internet. Cet indicateur montre un très net retournement de tendance lors du 4e trimestre 2012 avec une baisse de 39 % du nombre des investissements et de 30 % du montant investi comparé au même trimestre en 2011 alors que la tendance était à la croissance jusqu’alors. Je ne vois d’autre explication à cet affaissement que la stupeur provoquée par la loi de finances discutée et votée durant cette période qui introduit un changement des règles fiscales extrêmement violent et particulièrement dissuasif pour les « business angels ».
En outre, on peut estimer, vu la baisse comparée en volume et en valeur, que les plus petites sociétés sont plus touchées que les autres. Cette loi de finances est potentiellement en train de détruire la base de la pyramide d’un écosystème. Plus la base est large, plus la pointe est haute… Moins elle est large, moins l’écosystème est capable de croître…
On verra au premier semestre 2013 si le maintien du dispositif ISF-PME associé à la hausse de l’ISF parviennent à compenser ou endiguer ce retournement de tendance. Je suis assez sceptique. Je pense que, sans un message fort du gouvernement, la communauté des angels les plus actifs va faire comme mon camarade #geonpi Olivier Mathiot… à savoir ralentir ou tout simplement arrêter de soutenir les plus jeunes start-ups…
En prenant un peu de recul, comment peut-on imaginer avoir en France des écosystèmes dynamiques de start-ups et de PME de croissance en appliquant à ce qui permet de les financer durant leurs premières années à un taux potentiellement supérieur à 2 fois le taux maximal appliqué en Europe (Suède à 30 %) ? Nos start-ups et PME de croissance évoluent dans une économie globalisée, elles sont dorénavant handicapées par rapport à leurs homologues européennes ou tout simplement n’ont plus l’opportunité d’exister faute de financement… C’est catastrophique !
Ne faudrait-il pas mettre en place un dispositif taxant certes d’un côté jusqu’à 60 % les plus-values, mais permettant aussi de déduire les moins-values, pour encourager les business angels à multiplier leurs participations pour diluer leur risque ?
À ma connaissance, les moins-values sont heureusement reportables et imputables dans certaines conditions sur des plus-values de même nature. Malheureusement, dans l’activité de business angels, les mauvaises nouvelles générant des moins-values arrivent bien avant les bonnes porteuses de plus-values. Il va donc falloir à nos angels avoir les reins solides…
Par ailleurs, le simple fait que les moins-values ne soient pas imputables directement sur le revenu du foyer montre bien qu’il ne s’agit pas d’un revenu. Personne ne s’est posé la question d’imputer un déficit foncier sur le revenu d’un foyer car là, il s’agit bien d’un revenu. La promesse du président Hollande d’aligner la taxation des revenus du capital sur ceux du travail n’impliquait absolument pas de le faire pour les plus-values de cession de valeurs mobilières puisque celles-ci ne sont pas des revenus du capital comme le sont des loyers, des intérêts ou des dividendes…
Une fois cette erreur faite, on ne peut qu’essayer de corriger la chose avec une usine à gaz et celle qui a été adoptée en décembre 2012 ne corrige pas grand-chose !
Combien ces nouvelles mesures fiscales vont-elles coûter en création d’entreprises, en dépôts de bilan de start-ups existantes à court de financement, et en emplois non créés, à votre avis ?
En ne parlant que de l’impact à court terme de cette loi de Finances, que du secteur Internet et que d’une baisse de l’investissement angel, j’arrive à environ 300 start-ups qui vont fermer leurs portes ou se mettre en mode living dead durant le premier semestre 2013. On peut multiplier par 2,5 ou 3 pour couvrir l’ensemble des secteurs couverts par les business angels… En année pleine, on parle donc d’au moins une dizaine de milliers d’emplois le plus souvent à destination de la jeune génération…
Et ne me dites pas que la Banque Publique d’Investissement va régler tout cela ! OSEO Innovation va-t-il attendre que le FSI ou la CDC fasse un investissement de type « angel » pour renforcer les fonds propres d’une start-up afin de pouvoir lui octroyer une avance remboursable ou un prêt à taux zéro ? On marcherait sur la tête et les gens d’OSEO, du FSI et de la CDC le savent très bien…
Il faut aussi ne pas oublier les conséquences indirectes ou moyen terme comme la baisse de l’activité capital-risque car moins de sociétés pourront atteindre le stade de développement attendu, comme la défiance des investisseurs étrangers qui ne comprennent rien et ont, pour beaucoup, rayé la France de la carte ou enfin comme la raréfaction des fusions-acquisitions ce qui veut dire à la fois moins de grosses PME ou ETI et moins de capital à réinjecter dans l’économie… Un véritable cercle vicieux…
Avec tous nos remerciements au site JolPress.com