« Hollande, les monnaies ne doivent plus être cotées! »

Mes chères contrariées, mes chers contrariens !

Ce fût encore une belle journée en termes de richesse d’informations et je dois le dire, le Président de la République nous a franchement gâté aujourd’hui. Il faut dire qu’il était devant le Parlement Européen pour y tenir un discours passionnant !

L’essentiel du message du Président peut être résumé par le titre de cet Edito. Il a bien parlé de l’Europe mais globalement il n’a pas à son sens exprimé une vision différente ou en rupture totale avec le consensus mou européiste actuel. Plus d’Europe, une Europe qui doit avancer, une Europe qui doit aller vers plus d’Europe et de fédéralisme et encore une fois une Europe qui ne doit pas vraiment se discuter…

C’est ce dernier point qui me gêne fondamentalement. Comme je l’ai déjà exprimé, l’Europe doit pouvoir se discuter. Originellement, le projet européen était censé favoriser la paix entre les nations du vieux continent qui s’étaient déchirées dans des guerres fratricides depuis la nuit des temps. Autant le dire, sur ce point particulier l’Europe est un Grand succès, aidée il est vrai par la bombe atomique, mais l’Europe a jusqu’à maintenant su tenir sa promesse de nous garantir la paix. Ce n’est pas une mince réussite lorsque l’on contemple les 2 000 dernières années de notre histoire commune.

Ceci étant posé l’Europe, notre Europe car je m’en sens comme, beaucoup de nos compatriotes, un dépositaire de cette idée qui est certainement l’une des plus belles constructions humaines jamais tentée, notre Europe donc disais-je ne peut pas vouloir apporter durablement la paix sans que les peuples ne puissent se saisir de ce sujet.

L’Europe pour qu’elle continue à grandir, ne peut qu’être discutée dans un cadre démocratique et populaire. L’Europe doit se faire pour les peuples et avec un double objectif, apporter la paix en protégeant les intérêts des peuples. Voilà quel devrait être le cadre de toute action européenne, de tout cadre de réflexion autour de l’Europe.

Pour que notre Europe redevienne un grand succès elle doit s’articuler autour de ces deux grandes idées que sont la paix et les peuples. Notre Europe n’a pas besoin de plus, le problème étant qu’elle s’est complètement perdue dans les idéologies économiques, égarée dans les intérêts financiers, compromise dans les lobbyings de toutes sortes.

Notre Europe a perdu tout simplement de vue son identité et c’est pour cette raison qu’elle court vers la catastrophe. Un échec de l’Europe sera redoutable pour les peuples européens, mais ceci n’est pas une raison pour ne pas discuter l’Europe, bien au contraire. Discuter l’Europe c’est lui garantir succès, pérennité et popularité.

De cette idée notre Président de la République n’est pas porteur. C’est même l’inverse. Il a défendu aujourd’hui mais comme hier, l’Europe des fonctionnaires et des eurocrates contre l’Europe des peuples. Il a défendu qu’il ne fallait pas débattre de l’Europe. Ce n’était évidemment pas dit de cette façon-là mais c’était sous-entendu, que le processus européen ne pouvait pas être interrompu, que les peuples n’avaient pas à interférer.
Défendre cette conception de l’Europe c’est défendre une forme de despotisme éclairé profondément anti-démocratique. Une caste d’élus « illuminés » décide pour nous le pauvre peuple crétin, aveugle et débile…

Vous l’aurez compris c’est le plus court chemin vers une forme de dictature fut-elle plus ou moins douce, avec plus ou moins de « goulag » et de « camps de redressements » ce qui n’est pas encore le cas.

Lorsqu’une structure politique oublie les peuples, cette structure finie par s’effondrer. De cet effondrement né le chaos. Or l’histoire nous montre très bien ce qu’il advient sur notre vieux continent lorsque celui-ci se trouve confronté au chaos.

Il y a un point un peu plus économique dans le discours de François Hollande sur lequel je souhaitai revenir.

Hollande: l’euro « ne peut fluctuer selon les humeurs du marché »

L’un des sujets à la mode ces derniers temps, et nous en parlions hier, est bien sur la force de l’Euro. Notre euro est trop fort, trop cher, et il déstabilise notre industrie qui est moins compétitive par rapport aux pays ayant leur propre monnaie.

Notre Président aurait une façon très simple de régler ce problème de force de l’euro. Il n’a qu’à le quitter l’euro. Revenons vite au franc français Monsieur le Président, et je pense que nous aurions très rapidement, conformément à vos souhaits, exprimés aujourd’hui, notre monnaie rapidement dévaluée. Avec le Franc Monsieur le Président, vous retrouveriez de la compétitivité en moins de 24 heures. Les marchés que vous accusez aujourd’hui, vous pourriez les encenser demain.

François Hollande a donc dit et ce sont ses propos exacts : « l’euro ne peut fluctuer selon les humeurs du marché au risque de mettre en danger les efforts de compétitivité des pays de la zone euro, et qu’il fallait réfléchir à la place de notre monnaie dans le monde ».

Le problème Monsieur le Président c’est que vous avez fait le choix de soutenir une monnaie unique sur laquelle vous ne pouvez donc plus, par définition, agir. Vous avez abdiqué vous-même et vos prédécesseurs l’arme et l’outil monétaire. Je ne juge pas. Je constate un simple état de fait. Nous n’avons plus de souveraineté monétaire contrairement à nos amis anglais, américains, japonais, australiens, canadiens, suisses et quelques centaines d’autres pays.

Le problème Monsieur le Président c’est que vous-même et vos prédécesseurs avez fait le choix d’une Europe ultra-libérale et « laisser-fairiste ». Par définition avec un choix comme celui-là, ceux sont bien les marchés qui décident de taux de change de la monnaie que vous utilisez et sur laquelle vous n’avez plus aucune influence.
Je ne juge pas. Là encore je ne constate qu’un simple état de fait.

Dès lors la conclusion est finalement assez simple. Si vous souhaitez discuter le taux de change de l’euro par rapport aux autres monnaies, il me semble Monsieur le Président qu’il faudrait logiquement que vous discutiez du mandat de la BCE, du rôle de nos institutions, des interactions économiques entre les différents membres de la monnaie unique… bref il va falloir discuter de l’Europe, de son périmètre, de ses évolutions, de sa stratégie de son imbrication dans le monde.

Rendons néanmoins justice à François Hollande, car il n’a tout de même pas dit que cela, et, il est important de se faire aussi écho du contexte et ne pas tomber uniquement dans l’analyse des petites phrases.

La réforme du Système Monétaire International

« Il ne s’agit pas d’assigner de l’extérieur un objectif à la BCE qui est indépendante, mais d’engager l’indispensable réforme du système monétaire international, car sinon nous demandons à des pays de faire des efforts de compétitivité qui sont annihilés par la valorisation de l’euro ».

Nous ne pouvons, à mon sens, que partager ce constat avec le Président. Oui le taux de change annule nos efforts de compétitivité en quelques jours seulement. Oui le système monétaire international va être réformé, mais cela fait des années que nous le disons et que nous indiquons que ce moment approche.

François Hollande a également rajouté que « certains pays comme les Etats-Unis ou la Chine utilisent aussi leur taux de change à des fins de soutien de leur propre croissance, donc nous devons agir au niveau international pour faire valoir nos propres intérêts ».

Là encore, je ne peux que partager ce constat. Mais comment voulez-vous lutter dans cette guerre des monnaies alors que nous sommes 17 copropriétaires de l’euro à peu près d’accord sur rien ?

Pour les allemands il faut renforcer la compétitivité, pas affaiblir la monnaie

Justement à propos d’être d’accord à peu près sur rien, le ministre allemand de l’Economie Philipp Rösler a répondu assez vertement au discours du Président français en indiquant qu’il « était préférable de renforcer la compétitivité de l’Europe plutôt que de chercher à en affaiblir la monnaie ».

La position allemande est donc l’exact contraire à la position française exprimé par notre Président devant le parlement européen.

Alors le moment approche ou il faudra se souvenir qu’il vaut mieux une bonne rupture qu’un mauvais divorce.

Charles SANNAT

Le discours d’Hollande vu par les Echos

Le discours dans son intégralité sur le site de la Présidence de la République