Grèce : enfin des bonnes nouvelles !

Lénine avait coutume de dire que pendant certaines semaines, plus d’événements inouïs se passaient que pendant toutes les décennies précédentes et c’est une idée que je crois très juste. C’est peut-être ce que nous allons vérifier une fois de plus dans les semaines qui viennent.

Prenons l’euro.

Depuis sa création, je ne cesse d’expliquer à qui veut bien l’entendre que tout cela finira très mal et que l’euro n’est pas une monnaie mais une construction complètement artificielle qui allait détruire l’Europe de la diversité que j’aimais profondément, dans l’espoir insensé de créer de toutes pièces un État européen dont seuls des technocrates non-élus seraient les bénéficiaires.

Et j’étais loin d‘être seul à me faire du souci.

Par exemple, Milton Friedman, bon connaisseur de la monnaie s’il en fut, avait coutume de dire qu’à sa connaissance c’était la première fois dans l’Histoire que des pays souverains décidaient de tous utiliser la même monnaie et que le système sauterait si un choc asymétrique venait à toucher les différents pays. Ce qu’il voulait dire était que, dés qu’un choix allait devoir être fait entre la souveraineté nationale et la monnaie, la souveraineté nationale l’emporterait.

Ce choc, nous l’avons eu au moment de la grande crise financière de 2008-2009, le système a failli craquer et a fini par tenir quand monsieur Draghi a fait comprendre aux marchés que les Traités, il s’asseyait dessus et que la Bundesbank ne pouvait que se coucher, ce qu’elle fit. Et donc le nœud coulant fut resserré autour du cou de la Grèce et desserré par ailleurs, l’idée étant que les malheurs des Grecs devaient montrer aux autres peuples européens pris dans le même étau ce qui arrivait aux mauvais sujets. Comme me l’avait dit le patron de l’une des grandes sociétés d’assurance allemandes avec beaucoup de finesse (!), « nous torturons les Grecs pour que les Italiens entendent leurs cris», ce qui m’avait passablement surpris venant d’un Allemand.

Et donc l’euro est encore là, à ma grande surprise, continuant à pousser les peuples européens dans la misère et le désespoir, les seuls gagnants étant des technocrates que personne n’a élus.

Au fil des années, je me suis quand même demandé POURQUOI je détestais l’euro à ce point ?

Je crois que j’ai compris. Au début, j’étais contre l’euro pour des raisons purement techniques puisqu’il était idiot de vouloir maintenir un taux de change fixe entre des pays qui ont des productivités du travail et du capital complètement différentes. Et puis j’ai réalisé que derrière ce projet, il y avait une volonté profonde de détruire les nations européennes.

Philosophiquement, je suis un partisan des Lumières, c’est-à-dire de la Liberté, ou plus exactement de libertés bien concrètes et bien réelles. Le projet des Lumières était que chaque homme puisse exercer ses libertés, dans trois domaines essentiels :

– domaine social : liberté de la Presse, liberté d’enseignement, liberté syndicale, liberté d’expression constituaient le cœur des libertés, les désaccords éventuels étant portés sur la place publique et la possibilité d’exprimer son non-consentement étant considéré comme un bien public et non comme une trahison. Bien sûr ces libertés devaient être défendues par des tribunaux indépendants ;
– domaine économique : liberté d’entreprendre, d’embaucher, de débaucher, d’investir dans mon pays ou dans celui d’à coté ou de ne pas investir du tout, de passer des contrats, de ne pas souffrir du capitalisme de connivence ou de la concurrence indue des monopoles publics, telles sont les libertés économiques…
– domaine politique : élections fréquentes, liberté de candidature, séparation des pouvoirs, ce qui implique qu’une majorité de circonstances ne peut aliéner la souveraineté nationale qui, par définition, est inaliénable.
Et je suis en bonne compagnie.

Jean-Paul II, dans son encyclique « Centesimus Annus », écrite pour commémorer la grande encyclique de Léon XIII « Rerum Novarum » qui consacrait la réconciliation entre l’Église et le monde nouveau, précisait que la liberté de chaque homme ne pouvait s’exercer que dans le cadre de la nation dont il était citoyen (en tant que Polonais, il savait de quoi il parlait).

Un peu plus loin, il indiquait que l’entreprenariat était une vocation et que les pays où les entrepreneurs ne pouvaient exercer leurs libertés n’étaient pas libres.

Ce qui veut dire en termes clairs que l’euro était une machine à détruire nos libertés comme il en a peu existé dans l’Histoire. Je m’explique, en commençant par les entrepreneurs.

Être entrepreneur, c’est analyser des signaux de marchés qui passent par le système des prix. Comme je l’ai souvent expliqué ici, TOUS les prix dérivent de deux prix fondamentaux : le taux de change et le taux d’intérêt. Le taux de change c’est ce qui permet de savoir combien doit être produit à la maison et combien à l’extérieur et ce prix reflète des avantages et des contraintes purement nationales. Prenons un exemple : la France, fort démocratiquement, décide d’avoir 40 % de fonctionnaires de plus que l’Allemagne pour 10 000 habitants, ce qui est son droit. On peut le déplorer, mais le prix n’est pas cher si c’est la condition pour que la volonté de vivre ensemble demeure. Cela veut dire que le coût de l’État Français sera de 40 % supérieur au coût de l’État Allemand, ce qui n’est ni bien ni mal, mais ce coût devra être supporté in fine par les entreprises françaises. En revanche, comme les fonctionnaires ne produisent rien pour l’exportation, un taux de change fixe entre l’Allemagne et la France tue les entrepreneurs français dont les coûts sont supérieurs à ceux des entrepreneurs allemands, au profit de ces mêmes entrepreneurs allemands et nous envoie en dépression, ce qui est très fâcheux. Passons aux taux d’intérêts, qui doivent se situer sur le taux de croissance moyen de l’économie, selon la règle d’or de Maurice Allais ou de Wicksell. Comme le taux d’intérêt est le même pour tous les pays dans la zone euro, il se calera sur la moyenne de croissance des pays européens et donc il sera automatiquement trop bas pour l’Allemagne et trop haut pour la France ou l’Italie, ce qui constitue un handicap de plus pour ces deux pays. L’euro empêche donc les entrepreneurs français ou italiens de suivre leur vocation. Et c’est pour ça qu’ils partent tous à Londres, à New-York ou à Hong-Kong, laissant le peuple français au chômage face aux fonctionnaires français fort prospères tant que la France pourra s’endetter pour les payer… Et donc l’euro détruit le pacte national qui unit les citoyens de chaque nation, ce qui m’amène à mon deuxième point, la nation.
“Une nation” disait Renan, “c’est une volonté de vivre ensemble”. Dans une nation, pour qu’elle fonctionne, nous avons besoin d’un organisme qui aura le monopole de la violence légitime et cet organisme, pour payer ses dépenses, devra lever des impôts qui seront libellés dans une monnaie dont le cours correspondra aux forces et aux faiblesses du pays en question. Payer ses impôts librement à un État légitime est donc le début de la démocratie, comme les Anglais l’ont compris depuis 800 ans.
Il n’en est rien dans l’euro.

PERSONNE n’a le monopole de la violence légitime en Europe, et pour une raison très simple : il n’existe pas de nation européenne et la démonstration en est faite par la BCE qui finance les États légitimes en imprimant de l’argent puisque les impôts ne suffisent pas. Or les impôts sont la manifestation de cette volonté de vivre ensemble… Et donc le projet européen apparaît en pleine lumière : il s’agit purement et simplement de détruire les volontés de vivre ensemble, c’est-à-dire les nations européennes auxquelles les peuples sont extraordinairement attachés, pour construire un État européen dont personne ne veut, sauf mes chers Oints du Seigneur (ODS), tous socialistes, c’est-à-dire sans aucun respect pour la volonté du peuple qu’ils méprisent. Et nulle part, cette volonté de destruction de la nation n’a été plus visible qu’en Grèce. L’État grec est certes tout à fait inefficace, tout le monde le savait, un peu comme l’État Italien, mais le peuple grec est une réalité profonde et ancienne. Attaquer la Grèce parce qu’elle avait un État inefficace a coûté fort cher à Mussolini et à Hitler, qui eux aussi, comme mes ODS aujourd’hui, voulaient rétablir l’Empire romain…

Ils n’ont pas trouvé en face d’eux l’État Grec, mais bien le peuple grec, ce qui n’est pas pareil. La même chose va arriver aux ODS européens. L’euro n’est qu’une expression de plus, après le communisme, après le fascisme, après le nazisme de la présomption fatale de ce cher Hayek, qui avait tout compris. La seule différence est que les victimes de ce projet contre nature se suicident à la place d’être envoyés dans des camps de concentration. Gros progrès !

Les Grecs vont donc pouvoir voter, ENFIN suis-je tenté de dire.

Quand Papandreou avait proposé la même chose il y a quelques années, il avait été promptement débarqué grâce à ce qu’il faut bien appeler un coup d’État organisé à Bruxelles pour être remplacé par un Quisling de service, ex-haut fonctionnaire de… la BCE.

Je ne sais pas ce que les Grecs vont voter mais comme le dit le proverbe américain, « les dindes votent rarement pour Noël ».

En tout cas, je sais ce que je voterais si j’étais grec.

“L’Homme” disait le Christ “ne vit pas que de pain”.

Les Grecs ont donc le choix entre la fin de l’horreur et une horreur sans fin.

J’espère que la révolte des peuples européens contre la dictature molle que Tocqueville avait parfaitement vu arriver a enfin commencé, et si c’est le cas, elle se produit d’abord, ironie de l’Histoire, dans le pays qui a été le berceau de la démocratie…

Quel magnifique symbole.

En réalité, je ne connais pas d’exemples, dans l’Histoire, de retour vers la démocratie et vers des prix de marché qui se soient mal terminés.

Je me sens redevenir optimiste. Comme le disait Jean-Paul II, encore lui : “N’ayez pas peur car la vérité l’emportera toujours sur le mensonge.”

Conclusion : ce qui se produit en Grèce est une bonne nouvelle, mais ça va secouer.

http://institutdeslibertes.org/grece-enfin-des-bonnes-nouvelles/