« Et les régimes spéciaux bordel ! »

Mes chères contrariées, mes chers contrariens !

Le Conseil d’orientation des retraites, le COR, a indiqué que serait publié demain le 22 janvier 2013 un nouveau rapport sur l’état des lieux du système de retraite.

Je sais, cela fait plusieurs fois que je vous parle des retraites ! Eh bien mes chers camarades contrariens, je peux vous dire que ce n’est que le commencement d’une longue descente aux enfers pour nos aînés qui n’ont rien volé mais pour qui nous n’aurons tout simplement plus les moyens.

Hier je vous indiquais dans l’édito que les Allemands exportaient leurs retraités dans des pays low cost. Aujourd’hui, c’est l’agence de notation Fitch qui jette un pavé dans la marre en expliquant que le financement des retraites sera un fardeau importable pour nos États surendettés en panne de croissance.

Et les régimes spéciaux !

Avant de détailler le dernier rapport de Fitch, je souhaitais juste attirer votre attention sur le fait que les régimes spéciaux sont totalement absents du débat actuel et des désormais très nombreux ballons d’essai envoyés à ce sujet.

C’est donc avec une colère non dissimulée dans le titre d’aujourd’hui – qui confine à une certaine forme de vulgarité mais comme l’a si bien dit Ségolène Royal, « c’est une saine colère » – que je souhaitais remettre au cœur de la réflexion ce que l’on appelle pudiquement les régimes spéciaux.

Aimant appeler un chat un chat, et ayant en sainte horreur le politiquement correct sous toutes ses formes, je souhaitais commencer par vous donner la véritable définition d’un régime spécial.

Régime spécial : avantages financiers allant de primes à des retraites particulièrement avantageuses, sans aucun rapport avec les montants cotisés par les personnes concernées dont la capacité de nuisance et de blocage de notre pays de par la nature même de leur fonction permet de voler en toute légalité l’argent de leurs concitoyens sans que cela ne leur pose le moindre problème moral ou d’égalitarisme (qui est exclusivement réservé aux autres mais pas à eux-mêmes).
Ce vol en bande organisée a été rendu possible avec la complicité de gouvernements dont le courage et le bien commun sont des concepts depuis bien longtemps oubliés et de syndicats qui, bien que cela commence enfin à évoluer un peu, s’imaginent que l’argent tombe du ciel et se fabrique tout seul.

Voilà ce que c’est qu’un régime spécial. Pour le moment, tout le monde s’intéresse au régime dit général en oubliant volontairement que c’est la retraite des fonctionnaires qui est actuellement payée en allant ponctionner dans les réserves des caisses des cadres !
RATP, SCNF, EDF, fonctionnaires, sont autant de régimes spéciaux dont le financement va peser sur l’ensemble de la nation et sur notre budget.

Je ne les accable pas. Je dis simplement qu’eux aussi doivent se préparer à se faire aligner sur le régime général et que ce sera très douloureux car un jour viendra où le peuple refusera de payer parce qu’il n’en pourra plus des avantages qui ne sont pas plus moralement justifiables que le salaire et les bonus d’un trader de la City.

Le vieillissement va provoquer une deuxième crise budgétaire, prévient Fitch

L’Agence France-Presse nous apprend donc que « faute de nouvelles réformes prenant en compte le vieillissement de la population, de nombreuses économies avancées, notamment en Europe, risquent de subir une deuxième crise budgétaire à long terme ». D’ailleurs, on pourrait même préciser à long terme et DE long terme, puisqu’il semble que l’espérance de vie augmente encore.

Dans son rapport intitulé « Le coût du vieillissement : la deuxième crise budgétaire », Fitch précise que « bien que la résolution de la crise budgétaire actuelle reste le facteur le plus important en ce qui concerne la notation de nombreuses économies avancées, sans réformes supplémentaires pour gérer l’impact à long terme du vieillissement, ces économies risquent une deuxième crise budgétaire à long terme ».

Les projections contenues dans ce rapport sont très inquiétantes et les hypothèses montrent que le ratio de la dette publique sur le Produit intérieur brut (PIB) d’un grand nombre de ces pays va « exploser et le vieillissement de la population se traduira par un recul du PIB à long terme, aggravant la difficulté budgétaire ».

Ce que dit Fitch est passionnant car c’est exactement ce que je pense. Le facteur démographique est systématiquement passé sous silence ces dernières années alors qu’il est fondamental dans le potentiel de croissance d’une nation (si l’on fait abstraction de la notion de ressources naturelles et de matières premières).

Nos économies font simultanément face à un double choc. L’effondrement économique entraîné par l’explosion du système financier international devenu fou et l’afflux massif des baby-boomers à la retraite. Nous connaissions précisément la date du « papy-boom » mais nous n’avons rien fait. Nous avons préféré laisser croire à nos seniors que leur retraite serait un long fleuve tranquille.

Pour Fitch, les pays les plus vulnérables verront leur notation abaissée en conséquence et cela pourrait être de 5 crans rien que pour ce motif, donc je vous laisse imaginer la gravité de la situation.

Nos seniors vivent dans un rêve

Nos seniors vivent dans un rêve savamment entretenu et dans lequel ils ont une volonté farouche de croire. C’est tellement rassurant.

Alors pour eux, les retraites seront payées car leur poids électoral est trop important pour qu’ils soient ainsi négligés, pour eux, ces pensions élevées et en moyenne désormais supérieures au salaire moyen des actifs (sans que cela ne les fasse frémir) sont le juste reflet et la reconnaissance éternelle et minimale d’un travail qu’ils ont fourni et qui était d’une qualité supérieure à tout, y compris au travail actuel de leurs enfants.

Pour eux, la retraite est un dû. D’ailleurs, ils vous disent « mais j’ai cotisé toute ma vie » ce qui justifie de ruiner leurs propres enfants sur l’autel de leur pension alors que dans le même temps ce sont les seniors qui aident le plus les juniors à affronter les vicissitudes de la vie avec des transferts intergénérationnels d’un montant égal… au budget de l’État !!

Pour eux, la retraite ne peut pas disparaître,  on trouvera forcément des solutions et le progrès c’est génial puisque toute cette génération de jeunes ou très jeunes retraités a eu la chance de bénéficier d’un contexte extraordinaire de développement matériel de nos sociétés.

Je vais forcer un peu le trait mais leur parcours, c’est aller chercher l’eau au puits dans leur enfance d’après-guerre assez misérabiliste, accompagné d’un essor et d’une ascension sociale phénoménale, pour finir aujourd’hui avec deux ou trois écrans plats, une résidence secondaire ou un superbe camping-car à 60 000 euros, chauffé l’hiver et maintenu au frais l’été dans des conditions de confort jamais atteintes dans l’histoire de l’humanité.

On leur a promis que des lendemains qui chantent et ma foi, ils les ont globalement eus. On leur a promis presque la vie éternelle, en tout cas une longue vieillesse avec une médecine performante… Et ma foi, ils l’ont globalement obtenue.

Alors ils ne sont absolument préparés au fait que leur retraites ne soient plus assurées au moment même où, l’âge venant, ils rentrent dans une période de vulnérabilité angoissante. La force de la psychologie vient à leur secours, et ils se réfugient globalement tous dans le déni… sauf pour une toute petite minorité qui se prépare car elle a conscience de la fragilité du système par répartition actuel.

En disant cela, je ne fais en aucun cas l’apologie des retraites par capitalisation… qui, elles, ont déjà été divisées par deux suite à la crise financière de 2007 et qui a conduit nombre de retraités anglo-saxons à retourner sur le marché du travail… parfois à plus de 80 ans.

Le retour de la famille !

Alors là aussi le choc du vieillissement de la population va profondément changer la donne sociale dans nos pays.

Il est important de tenir pour acquis que d’ici 10 ans les retraites ne seront plus payées, ou en monnaie de singe, ou qu’elles auront été réduites de façon substantielle.

Dans l’état actuel des choses, le code civil pose l’obligation d’aide alimentaire comme l’un des fondements du pacte sociétal. Les parents doivent l’obligation alimentaire à leurs enfants. Mais les vieux jours venus cette obligation s’inverse et c’est aux enfants de financer les parents ! Logique.

Le menu problème étant qu’aujourd’hui les enfants, bien souvent au chômage ou mal payés, sont dans l’incapacité de faire face à ce type de dépenses supplémentaires.

De la colocation pour seniors au retour chez les enfants

Il y aura, et cela se développe déjà, de nouvelles formes de cohabitations de seniors, ce qui leur permettra de réduire les coûts de logement et de mutualiser certains frais liés à la dépendance. Ce sera un peu de la colocation de retraités.

Il y aura aussi le retour des aînés auprès de la « cheminée » des enfants comme c’était jadis le cas car il n’y aura pour beaucoup tout simplement plus le choix.

Il y aura pour les plus aisés la possibilité de « piocher » dans leur patrimoine à condition que ces derniers le protègent et arrêtent de rêver sur les rendements de l’assurance vie qui provient d’obligations d’État moisies qui ne seront jamais remboursées.

Ce qu’il va se passer pour le retraité type

Il est propriétaire de son pavillon en banlieue d’une grande ville. Assez loin des transports en commun (pour avoir un grand jardin), la voiture est indispensable (comme dans toutes ces zones). Une maison pour être une maison doit avoir un escalier et donc un étage. L’âge venu et la mobilité se réduisant, il faudra se résoudre à vendre.

Le problème c’est qu’ils sont des millions à être nés ensemble, et à vieillir ensemble. Ils seront dépendants au même moment. Ils revendront tous leur maison dans une fenêtre d’environ cinq ans. Ce sera des millions de biens immobiliers qui viendront saturer un marché immobilier où les jeunes générations précaires et insolvables seront incapables de racheter quoi que ce soit.

Les prix s’effondreront. C’est ce que la FED a intitulé dans une étude « l’hiver immobilier durera 50 ans !! ».
Ils perdront donc une grande partie de leurs ressources potentielles.

Ils avaient un peu d’épargne. Son banquier lui avait vanté les mérites du meilleur placement en bon père de famille… l’assurance vie. Tous ces sous ont été mis dessus. Il est prudent depuis le krach de la bulle Internet de 2000 et celui de 2007 : la Bourse, il a arrêté. Il a sécurisé son argent en mettant tout sur le fonds euros.

Il est toujours en moins-values par rapport à ses versements, mais au moins maintenant il ne perdra plus. Il dort tranquille.

Un jour il se réveille. Sur France Info, la faillite de la France fait la une et tourne en boucle. Son épargne ne vaut plus rien. Sa maison guère plus. Les retraites ne sont plus payées que pour moitié y compris pour les régimes spéciaux depuis l’assassinat politique de 50 retraités de la SNCF (c’est de la fiction bien sûr !!).

Il termine sa vie sous un pont dans une tente Quechua donnée par la grande chaîne de magasin Décathlon et qui se monte en 2 secondes (la replier est beaucoup plus long).

Il meurt de froid à 74 ans alors que les tableaux statistiques disaient qu’il vivrait en moyenne jusqu’à 84 ans.

Alors oui, je reconnais que j’ai un peu forcé le trait… Mais que légèrement et c’est bien le problème. Il faut donc que nos seniors se préparent enfin à des lendemains qui déchantent, et quoi qu’en dise nos amis socialistes qui ont une vision très « moderne » de l’institution de la famille, la première réponse et la solidarité la plus forte doit pouvoir s’exprimer dans le cadre de la famille.

Contrairement à l’idéologie ambiante actuelle, nous assisterons par la force des choses au retour de la famille car de tout temps elle a constitué le cercle ultime. C’est l’incompréhension de ce genre d’évolution qui entraîne des retours de bâtons historiques douloureux.

Pourtant tout cela est prévisible depuis bien longtemps.

Charles SANNAT