Carrefour à la croisée des chemins en Chine

BEIJING, 15 janvier – Le 21 décembre 2012, un supermarché Carrefour de la ville de Taiyuan, dans la province chinoise du Shanxi, a fait l’objet d’une enquête pour avoir trompé ses clients sur les dates de fabrication de viandes et de légumes.

La semaine précédente, dans cette même province du nord du pays, un autre magasin Carrefour a été au centre d’un scandale sur les prix.

Ces deux incidents sont survenus un mois seulement après la visite du PDG du groupe français Georges Plassat à Shenzhen (sud), visite au cours de laquelle il a affirmé que Carrefour s’était engagé à assurer la sécurité alimentaire de ses consommateurs, et que le groupe poursuivrait ses investissements et son développement à long terme en Chine.

Même si le groupe français a affiché sa confiance quant à son développement sur le marché chinois, ces deux derniers scandales ont fait revenir les rumeurs sur un éventuel retrait de Chine du géant mondial de la distribution, rumeurs alimentées par la fermeture de six magasins au cours des deux dernières années.

Le succès des premières années en Chine

Carrefour, deuxième plus grand distributeur du monde, a été parmi les premiers à se lancer à l’international. Le groupe a ouvert son premier hypermarché en 1995 à Beijing.

Une fois implanté en Chine, Carrefour a connu un succès fulgurant, principalement en raison du modèle de l’hypermarché qu’il a introduit dans le pays : toutes sortes de marchandises dans un seul magasin, une transaction facile, un contact direct avec les marchandises, tout cela était nouveau pour les clients chinois à l’époque.

L’apparition de Carrefour dans les villes chinoises a frappé de plein fouet le secteur de la vente au détail, indique un expert du secteur, qui se souvient que dans les premières années qui ont suivi l’implantation de Carrefour à Beijing, bon nombre de clients préféraient effectuer de longs trajets en bus pour aller à Carrefour plutôt que d’acheter les mêmes produits dans les petites boutiques de leur quartier. À l’époque, presque toutes les entreprises locales de distribution ont emboîté le pas au groupe français.

Grâce à sa popularité auprès des clients chinois, Carrefour a connu une période d’expansion rapide en Chine et est devenu l’enseigne française la plus connue dans le pays. Avant l’année 2005, Carrefour était le seul groupe étranger de la distribution à avoir réalisé des profits en Chine.

Cependant, suite à l’arrivée d’autres géants de la distribution en Chine, tels que Walmart et Auchan, Carrefour ne maintient plus son rythme d’expansion et a même été amené à fermer six points de vente au cours des deux dernières années.

Une période difficile pour Carrefour en Chine

Il est peut-être encore tôt pour parler d’un retrait de l’empire du Milieu, mais il est indéniable que Carrefour traverse actuellement une période difficile en Chine.

Avec l’irruption d’autres géants de la distribution dans le pays, Carrefour ne cesse de perdre du terrain. Selon les statistiques publiées en 2012, Auchan détient une part de marché de 12 % en Chine devant Walmart (11,2 %), et Carrefour n’occupe que la 4e place avec 8,1 %. Le chiffre d’affaires du groupe français a chuté de 5,7 % sur les neuf premiers mois de l’année 2012 par rapport à l’année précédente.

Outre la concurrence de plus en plus forte, le climat des affaires a évolué dans le pays. Fin 2010, la mise en place de l’unification de l’imposition des entreprises chinoises et étrangères a mis un terme aux privilèges fiscaux accordés jusque-là aux entreprises étrangères en Chine.

En 2011, onze magasins Carrefour se sont vus infliger des amendes cumulées s’élevant à 5,5 millions de yuans (environ 670 000 euros) pour tromperie sur les prix, ce qui marquait bien la fin du traitement de faveur envers les entreprises étrangères.

En outre, certains atouts qui ont contribué aux premiers succès du groupe commencent à s’avérer néfastes. Afin de s’adapter à la situation locale, Carrefour a établi un régime de responsabilité interne dans tous ses magasins en Chine, selon lequel le chef du magasin jouit du pouvoir total pour toutes les décisions, y compris les achats et la fixation des prix. Le régime flexible, qui motive le personnel, a contribué à l’expansion du groupe dans un premier temps, néanmoins, il a également ouvert la porte à la corruption. En 2006 et 2007, plusieurs responsables du groupe chargés des achats ont été accusés de corruption. La gestion insuffisante explique en partie les scandales incessants du géant de la distribution, qui ont terni l’image de l’enseigne française en Chine.

Selon certains experts du secteur, le modèle de l’hypermarché est à l’origine des maux de Carrefour en Chine. « Pour les consommateurs, le modèle de l’hypermarché ne peut plus répondre à toutes les demandes, et ne s’adapte plus aux changements des modes de consommation et des habitudes des consommateurs, et à la montée en puissance de nouveaux modèles de consommation, par exemple l’e-commerce, qui menace le modèle de l’hypermarché traditionnel », analyse un expert qui connaît bien le mode opératoire de Carrefour.

L’empire du Milieu ou le Vieux Continent

C’est à partir de l’année 2005 que Carrefour, entravé par l’insuffisance du fonds de roulement, a choisi de se retirer successivement de plusieurs pays et régions du monde. Après l’arrivée de Georges Plassat, le groupe a déclenché un nouveau cycle de retrait en fermant ou vendant des activités à Singapour, en Colombie et en Indonésie.

Des experts du secteur analysent que les nouvelles ventes d’actifs ont pour but de financer ses activités en Europe, son principal champ de bataille, où se concentrent 70 % des activités du groupe. Selon diverses sources, l’enseigne périclite en Europe : il faudrait environ 3 milliards d’euros pour réorganiser ses activités sur le Vieux Continent.

Dans ce contexte, on peut se demander si le groupe pourrait abandonner l’empire du Milieu pour focaliser sur ses activités en Europe.

Selon une source anonyme, le nouveau PDG du groupe avait confié à ses proches que « pour Carrefour, perdre la Chine serait plus terrible que perdre l’Europe », ce qui s’explique par la contribution du marché chinois au groupe : un chiffre d’affaires de 45,2 milliards de yuans (5,6 milliards d’euros) sur l’exercice de l’année 2011, qui fait du pays un marché phare pour Carrefour. Afin de renforcer sa position, Carrefour prévoit d’inaugurer 24 magasins en 2013 en Chine.

Malgré tous ces efforts, selon des experts du secteur, l’expansion prévue de Carrefour ne serait pas sans difficulté : concurrence féroce, scandales successifs, nouveaux défis du secteur, etc. Reste à connaître les prochaines manœuvres stratégiques du groupe pour se redresser.

Agence de Presse Xinhua.

 

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