Affaire Cahuzac : qui veut faire taire Pierre Condamin-Gerbier ?

Pierre Gerbier – dit Condamin-Gerbier – a été arrêté vendredi 5 juillet à Saint-Prex, dans le canton de Vaud, à son retour de Paris, après avoir été entendu le 3 juillet à l’Assemblée nationale par la commission d’enquête relative aux éventuels dysfonctionnements du gouvernement dans l’affaire Cahuzac. François Reyl, le CEO de la Banque Reyl & Cie à Genève, à l’origine de cette arrestation, donne plus d’information ce lundi 15 juillet, dans une interview pour Agefi, quotidien économique de Genève.
Pierre Condamin-Gerbier, ex-cadre de la banque genevoise Reyl et témoin clé dans l’affaire Cahuzac, a été arrêté et placé en détention préventive en Suisse, a annoncé, samedi 13 juillet, le ministère public de la Confédération helvétique. Le parquet suisse a ordonné l’ouverture d’une instruction pénale à son encontre.

Pierre Condamin-Gerbier a-t-il violé son secret professionnel ?
Pierre Condamin-Gerbier avait été entendu comme témoin les 12 juin et 3 juillet par la commission d’enquête parlementaire française chargée de faire la lumière sur les éventuels dysfonctionnements de l’État dans l’affaire Cahuzac. Le 17 juin, la banque Reyl avaient déposé une plainte pénale contre Pierre Gerbier « aux motifs, entre autres, de vol, falsification de document (faux dans les titres) et violation du secret professionnel et commercial », selon un communiqué de presse de la banque diffusé auparavant.

« Les nombreuses déclarations mensongères maintenues en dépit des démentis catégoriques de la banque, la falsification d’un mémorandum interne de Reyl Private Office, et sa remise à un média français n’ont laissé d’autre choix à la banque que de sortir de sa réserve et d’agir à l’encontre de Pierre Condamin-Gerbier », avait ajouté la Banque Reyl & Cie à Genève qui avait indiqué avoir « déposé tous les éléments de preuve auprès du ministère public de la confédération » helvétique.

Révélations embarrassantes pour certains ministres
« Lanceur d’alerte », il affirme connaître les noms d’une quinzaine de politiques français ayant un compte en Suisse. Le 3 juillet il avait déclaré mercredi avoir transmis à la justice française une liste de personnalités politiques ayant détenu un compte en Suisse mais devant la commission d’enquête, Pierre Condamin-Gerbier avait refusé de dévoiler le nom des personnes pouvant figurer sur cette liste, estimant qu’elle était désormais du seul ressort de la justice. Des « gens sont juges et parties à l’intérieur du Parlement », avait-il juste précisé. Depuis il a été interpellé et placé en détention par la justice suisse, a annoncé samedi 13 juillet le Ministère public de la Confédération helvétique.

Le député de centre droit Charles de Courson, président de la commission d’enquête parlementaire sur l’affaire Cahuzac, s’est montré extrêmement choqué par cette arrestation : « Le juste est emprisonné, c’est incroyable », a-t-il déclaré dans une interview au journal Le Temps publiée ce mardi 16 juillet. « Que ceux qui ont commis des crimes accusent ceux qui les dénoncent : il faut être en Suisse pour voir cela », ajoute-t-il, estimant que « l’attitude de la Suisse est inacceptable pour une démocratie digne de ce nom ».

Explications de François Reyl, le CEO de la Banque Reyl & Cie
Ce lundi 15 juillet, le directeur de la banque Reyl & Cie expliquait au quotidien genevois Agefi pourquoi son entreprise a dû poursuivre Pierre Condamin-Gerbier, témoin de l’affaire Cahuzac : « Après toutes les inexactitudes qui ont été véhiculées dans divers médias à propos du groupe Reyl, il était temps que la vérité soit rétablie et que nous puissions mettre un terme aux allégations erronées et amalgames qui nous visent depuis plusieurs mois ».

Et d’ajouter : « Le 14 juin, Europe 1 a publié sur son site un mémorandum interne de Reyl Private Office censé apporter la preuve qu‘un membre de la classe politique française figurait parmi nos clients. Nous avons immédiatement apporté un démenti sur ce point, à la suite duquel le faux document a été retiré du site. Nous avons matière à penser que la présentation et la falsification de ce document émanent de Pierre Condamin-Gerbier. »

Qu’en est-il vraiment ?
Pierre Condamin-Gerbier avait été licencié de Reyl après que l’établissement financier eut découvert qu’il avait été licencié d’UBS pour abus de confiance de plus de 30 000 euros de préjudice. Sans emploi depuis des années, il est actuellement criblé de dettes. Depuis 2010, Pierre Condamin-Gerbier n’a été salarié que trois ou quatre mois en 2012 dans la banque Hentsch à Genève. Depuis, il n’a plus un seul client, comme l’a révélé Le Point.fr en juin. Il n’a surtout jamais géré un seul compte en Suisse depuis son arrivée, en 2004.

« Je ne dis pas que Condamin-Gerbier n’a pas pu entendre parfois certaines indiscrétions dans les couloirs d’une banque, mais de là à posséder des listings complets sur les pedigrees d’hommes politiques qui frauderaient le fisc », explique un banquier genevois. Son rôle au sein de la banque était plus un rôle d’accompagnateur de riches clients. S’il dit détenir des documents confidentiels, les aurait-il alors volés comme l’indique la banque ? Entre frustration d’avoir été licencié et réel désir d’aider la justice française, rien pour le moment ne permet d’indiquer s’il a dit ou non la vérité.

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