« Y a-t-il vraiment une guerre des monnaies ? »

Mes chères contrariennes, mes chers contrariens !

Voilà somme toute une question qui semble simple mais qui, de vous à moi, est en réalité bigrement compliquée. Bon, ne perdons pas de temps à chercher à définir le terme « guerre des monnaies », nous dirons, pour aller au plus rapide, qu’il s’agit de la course de toutes les grandes zones monétaires à la monnaie la plus basse…

À quoi ça sert une monnaie basse ?

Ben oui, si tout le monde veut une monnaie basse, c’est qu’une monnaie basse ça doit être bien et servir à quelque chose non ?

En théorie, une monnaie basse ou faible permet d’exporter plus et de voir ses produits plus compétitifs uniquement en raison d’un effet « change »… Enfin ça, ce n’est qu’une partie de la théorie car si vous prenez les Allemands par exemple, ils considèrent qu’une monnaie faible c’est une monnaie de charlot et de paresseux. Pourquoi donc ? Parce que quand votre monnaie est faible, vous ne faites aucun effort de créativité de qualité et de compétitivité. Vous vous reposez uniquement sur la facilité d’une monnaie faible. Cela vous cantonne aux produits bas de gamme. Alors qu’avec une monnaie forte, vous devez avoir une industrie de produits à fortes marges… L’histoire économique des 60 dernières années montre sans ambiguïté que les Allemands ont raison…

Autre élément à garder en tête… (On va tourner en rond, je sais… mais c’est comme ça.) Lorsqu’une monnaie est faible (par rapport aux autres), cela veut dire que vos produits sont moins chers… MAIS, vos importations sont plus chères… (Logique, prenez l’exemple du pétrole. Vu que le pétrole s’achète en dollars, si votre monnaie ne vaut pas tripette, votre baril, lui, vaudra encore plus cher quand on exprime son prix dans votre monnaie qui ne vaut rien.)

DONC (suivez bien et restez concentré… oui surtout vous, là-bas, au fond de la classe, pff, toujours les mêmes qui roupillent), je disais donc… DONC… si le pétrole que vous utilisez pour fabriquer vos produits est plus cher en raison d’une monnaie moins chère… à l’arrivée… votre produit… il devient plus cher ! (Je sais c’est un raisonnement hyper méga technique, mais en relisant tranquillement vous devriez d’abord sourire un poil, puis comprendre.) Conclusion, une monnaie qui baisse permet d’avoir un gain de compétitivité liée uniquement à la valeur relative de votre monnaie… sur le court terme ! Une baisse de monnaie c’est un avantage à court terme. À moyen terme, une mauvaise monnaie lamine votre économie, votre industrie et accessoirement votre pouvoir d’achat car… il y a de l’inflation importée. Si votre monnaie baisse, ce qui est importé coûte plus cher. En clair, si votre monnaie baisse de 30 % (ce qui est le cas de l’euro dans les 12 derniers mois), le prix des machins venant de Chine finira par prendre 20 à 30 % (pour ceux qui sont achetés en dollars). Si vos salaires n’augmentent pas, vous allez donc vous appauvrir… Or je ne sais si vous avez remarqué mais les salaires… ils n’augmentent pas, ce qui est logique quand je peux soit vous remplacer par l’un des 7 millions de chômeurs de notre pays, soit par un robot, soit par un petit Chinois pas cher en délocalisant ma production !

Donc baisser sa monnaie ne sert à rien en fait sur le long terme. Alors pourquoi le faire ?

Les grandes banques centrales le font parce qu’en réalité, elles n’ont pas le choix… Non, non ne paniquez pas, vous allez voir en fait c’est hyper logique, le tout c’est juste de s’en rendre compte et de comprendre les mécanismes à l’œuvre, et je suis sûr que du coup vous partagerez les grands axes de mon analyse.

En fait, le truc, depuis le gros problème des « subprimes » qui je le redis ne sont qu’un événement déclencheur, c’est qu’il faut sauver le système financier mondial en général et américain en particulier en le re-solvabilisant vu les pertes abyssales. Pour que tout le monde soit solvable, il n’y a pas le choix. Il faut imprimer des billets (de la monnaie). En novlangue économique, on parle de QE (quantitative easing). Quand les Américains impriment un QE à 1 000 milliards de dollars… cela va faire baisser le dollar puisqu’il y a plus de dollars en circulation. Et souvenez-vous de la règle de base de l’économie : ce qui est rare est cher et inversement, ce qui est abondant ne vaut pas grand-chose. Plus il y a de dollars, moins chaque dollar vaut cher en lui-même… Mais le dollar, par rapport à quoi baisse-t-il ? Par rapport aux autres monnaies comme l’euro ou le yen, ou encore le rouble russe (non laissez tomber le rouble, on n’a pas le droit d’en parler c’est politiquement dangereux par les temps qui courent, en plus on vous met sur écoute pour un oui ou pour un non de nos jours). Donc la valeur d’une monnaie est relative… relativement aux autres monnaies (et accessoirement par rapport à l’or, d’où l’idée d’empêcher l’or de monter trop haut car les gens finiraient par se rendre compte que l’or qui monte, c’est surtout en réalité le dollar qui baisse mais c’est un autre sujet).

Du coup, quand le dollar baisse, cela pénalise les entreprises européennes. Souvenez-vous d’Airbus incapable de vendre des avions produits en euro 30 % plus cher qu’un Boeing US fabriqué avec un dollar américain valant 60 % de moins au plus haut de la parité euro-dollar…

Logiquement, on finit nous aussi par devoir rendre solvable tout le monde puisque tout le monde court à la faillite, que ce soit les États, les banques ou les entreprises… Donc il faut relancer tout ça. Et pour relancer tout ça… que fait-on ? On imprime des billets. Des euros par exemple. Et comme ce qui est rare est cher et blablablabla, plus on imprime d’euros plus la valeur de l’euro baisse face au dollar… Du coup, l’euro baisse. Mais d’ici quelques mois, quand ce sera la cata aux USA, les Américains vont imprimer des billets tout neufs avec un QE 4 et du coup, le dollar va baisser et l’euro remonter.

Tout cela donne l’impression d’une guerre monétaire car c’est aussi valable pour le yen japonais, le franc suisse ou encore le yuan chinois, toutes les banques centrales y allant de leurs interventions.

La réalité c’est que nous ne sommes pas dans une guerre monétaire, nous somme dans les conséquences des chocs des politiques monétaires.

Comme les politiques monétaires sont divergentes uniquement en terme de timing, cela crée des successions de chocs monétaires. L’euro est trop haut, le yen baisse trop, puis l’euro s’effondre, le dollar s’envole… etc. Ce que vous voyez n’est pas le résultat d’une guerre des monnaies mais du choc des politiques monétaires, et cette différence est fondamentale. Pourquoi ?

La guerre des monnaies n’existe pas. Ce qui existe c’est un effondrement généralisé de la valeur de toutes les monnaies fiduciaires !

Imaginez 10 parachutistes qui sautent d’un avion. Ils vont sauter un par un avec quelques secondes d’écart. Certains vont faire quelques minutes de chute libre. D’autres vont ouvrir leur parachute plus tôt, d’autres plus tard. Bref, pendant les longues minutes de la chute, vous aurez l’impression que certains tombent plus vite que d’autres, vous aurez même l’impression que certains montent alors que les autres descendent. Mais à l’arrivée, tout le monde touchera le sol.

Eh bien c’est exactement ce qui se passe avec l’ensemble des grandes monnaies de la planète dont la valeur intrinsèque est en train de tendre vers zéro à vitesse grand V. Cela ne se voit pas trop pour le commun des mortels parce que pour le moment, chaque monnaie voit sa valeur exprimée avant tout dans d’autres monnaies qui, elles aussi, baissent mais pas au même moment. Si nous ne baissons pas tous au même moment, nous baissons néanmoins tous avec une grande constance et c’est d’une logique imparable.

Il n’y a plus de croissance, or nous vivons dans une économie qui est basée sur un recours excessif à l’endettement. Sans croissance, il n’y a aucune chance de rembourser les dettes créées en fonction d’espérance de remboursement liée justement à la croissance future.

La seule solution logique est soit la fuite en avant par la création de nouvelle monnaie pour faire croire qu’il y a de la croissance et éviter l’insolvabilité généralisée du système, soit la faillite totale et le défaut de paiement.

La solution de facilité, mais également celle qui permet au système de poursuivre son existence et donc à chacun de nous de pouvoir faire ses courses encore un peu, est la solution de la création monétaire généralisée.

C’est la raison pour laquelle vous avez des QE américains, japonais, suisses ou encore européens. Il n’y a donc pas de guerre des monnaies, mais un effondrement généralisé des monnaies et c’est la raison pour laquelle l’ultime étape de la grande crise que nous vivons sera monétaire et que le système monétaire international connaîtra de très grands changements dans les années qui viennent.

Il est déjà trop tard, préparez-vous.

Charles SANNAT

« À vouloir étouffer les révolutions pacifiques, on rend inévitables les révolutions violentes » (JFK)

Ceci est un article ‘presslib’, c’est-à-dire libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Le Contrarien Matin est un quotidien de décryptage sans concession de l’actualité économique édité par la société AuCOFFRE.com. Article écrit par Charles SANNAT, directeur des études économiques. Merci de visiter notre site. Vous pouvez vous abonner gratuitement www.lecontrarien.com.

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