Nouvelle raclée pour l’or

Par Bill Bonner et Isabelle Mouilleseaux des Chroniques Agora.

Je vous reproduis ici deux éditos de nos amis des chroniques Agora qui livrent une analyse très inintéressante de l’évolution des cours de l’or. Il est à noter que Bill Bonner prévoyait un tel mouvement de correction depuis au moins deux ans. Pour lui, il n’y a aucune surprise, nous sommes en 1975 !

Charles SANNAT

Nouveau décrochage de l’or et des mines : jusqu’où ?

L’or a repris une raclée. Il est venu flirter cette nuit avec les 1 180 $ l’once.
Dans le Financial Times hier :
« Le cours de l’or dégringole suite aux craintes sur la fin de l’assouplissement quantitatif. »
« L’or a dégringolé à son plus bas niveau en près de trois ans, ce qui le met en bonne position pour enregistrer sa plus grosse baisse trimestrielle depuis 1971 et l’effondrement du système de Bretton Woods, qui liait la valeur du dollar au métal jaune. »
C’est une bonne nouvelle. L’or fait ce qu’il devrait faire. Et il nous donne une bonne occasion d’acheter un gilet de sauvetage avant que le bateau ne coule.

Aucun marché ne grimpe sans une correction

En général, les spéculateurs vont plus vite que la musique. Ils doivent prendre quelques claques… être mis à l’épreuve… et calmés. Comme une lame d’acier, ils doivent être forgés avant d’être prêts pour la bataille finale.
Durant le dernier grand marché haussier de l’or – qui a duré pendant toutes les années 70 environ –, l’or est passé de 40 $ à plus de 800 $. C’était l’un des plus grands marchés haussiers de tous les temps. Mais il n’a pas été sans heurts. Le prix de l’or a grimpé rapidement. Il fallait le faire redescendre au moins une fois avant qu’il ne finisse par atteindre son sommet. En l’occurrence, la correction a effacé près de la moitié des gains… avant que le marché haussier ne recommence.

Voyons voir. L’or a commencé ce marché haussier autour de 2003 alors qu’il était légèrement sous les 300 $. Il est passé à 1 900 $. C’est un gain de 1 600 $. Si l’or perdait la moitié de son gain, il devrait chuter de 800 $… c’est-à-dire 1 100 $ environ.
Il y a encore un peu de chemin à parcourir…

Y a-t-il encore des raisons à la hausse ?

Mais comment savons-nous que les causes sous-jacentes de la marche de l’or vers la gloire sont encore place ? C’est impossible de le savoir avec certitude. Toutefois, pendant des milliers d’années, l’or a été non seulement la seule forme de monnaie… mais aussi la meilleure. Lorsque les autres formes échouent, l’or se maintient. C’est la monnaie ultime.
Certaines formes de richesse sont tangibles. D’autres sont représentées par du papier – des billets, des notes, des actions, des bons, des reconnaissances de dette, etc.

Quand une économie se développe, elle devient plus sophistiquée, avec relativement plus de richesse sous forme papier. Il s’agit de droits sur d’autres types de richesse, élaborés durant une période de prospérité et de confiance. Plus les gens ont foi dans « le système », plus ils ont foi dans le fait que leurs morceaux de papier peuvent être échangés, à un moment ou à un autre, contre de vrais biens et services.
Quand la confiance dans le système disparaît, il en va de même pour les prix des morceaux de papier. Les investisseurs commencent à se poser des questions sur les gens de l’autre côté de la transaction (leur contrepartie). Les émetteurs d’instruments de dette peuvent-ils vraiment payer ? Les entreprises sont-elles vraiment aussi profitables qu’elles le disent ? La personne qui nous a laissé cette reconnaissance de dette est-elle vraiment solvable ?

Quand la confiance disparaît soudainement (on appelle ça une « panique »), cela se se manifeste rapidement par un « krach » des prix des actifs (papier). Souvent, les actifs tangibles chutent aussi – comme l’immobilier, l’art et les matières premières.
C’est ce qui s’est passé lors du sell-off de 2008-2009 : lorsque les investisseurs ont réalisé que les détenteurs de prêts subprime ne pouvaient pas payer, ils ont commencé à se demander qui d’autre ne pouvait pas payer. À coup sûr, les banques qui détenaient des milliards de subprime auraient elles aussi des problèmes. Idem pour les constructeurs immobiliers – et de nombreux autres.

Dans un premier temps, les gens ont besoin de cash, pas d’or

D’ordinaire, la valeur d’une sorte bien particulière de papier grimpe durant une panique : les billets à maturité immédiate – l’argent liquide – tendent à devenir plus précieux… C’est la chose que la plupart des gens n’ont pas – et celle dont ils ont le plus besoin pour payer leurs factures. Même l’or peut baisser par rapport au liquide. Les gens ont besoin de cash, pas d’or.
Mais parfois, la confiance des gens dans l’argent liquide disparaît aussi.

C’est alors qu’on a une vraie panique. C’est ce qui s’est passé dans les années 70 aux États-Unis. Le cash perdait sa valeur, en grande partie à cause de dépenses excessives de la part du gouvernement et de taux trop bas de la part de la FED. Arthur Burns avait prêté trop bon marché pendant trop longtemps.

À nouveau, durant l’ère Greenspan, la FED a prêté à des taux trop bas pendant trop longtemps. Ben Bernanke a complètement mal interprété les signes. Pour lui, nous vivions une « Grande modération ». Mais la stabilité qu’il voyait était un mirage. L’argent facile fonctionnait comme un magasin de vins et spiritueux livrant à domicile : il empêchait les problèmes d’apparaître en public. Les débiteurs n’avait quasiment aucun moyen de se désintoxiquer. Peu importe à quel point leurs affaires étaient mal gérées, il y avait toujours quelqu’un pour leur prêter plus d’argent.
Le marché de l’or a réalisé que des problèmes étaient en train de couver. Il a fait grimper le prix de jusqu’à ce que, une fois de plus, les spéculateurs soient allés plus vite que la musique. À présent, l’or corrige.
Mais les problèmes qui ont donné naissance au marché haussier de l’or ont-ils été réparés ? Le niveau de dette a-t-il été substantiellement réduit ? Les institutions mourantes ont-elles été nettoyées et remises sur pied ? L’économie qui avait l’habitude de tourner grâce au crédit facile a-t-elle réussi à se désintoxiquer ?
L’assouplissement quantitatif arrive-t-il à sa fin ?
Probablement pas.
À suivre…
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Nouveau décrochage de l’or et des mines : jusqu’où ?

Par Isabelle Mouilleseaux
Cher lecteur,

Je reprends très exceptionnellement ma plume, étant donné le violent décrochage de l’or et des mines, et à la demande de certains d’entre vous. Juste un petit point rapide pour partager avec vous mon sentiment personnel.

Les causes du nouveau décrochage de l’or, vous les connaissez : crise de liquidité en Chine, craintes de l’arrêt du quantitative easing (QE), hausse des taux d’intérêt. Je n’y reviens pas.
Voici rapidement la situation.
L’or vient de casser un support long terme de plusieurs années (cf. droite rouge en pointillés), d’où le violent décrochage constaté.

Le cours de l’once (1 198 $) est actuellement 25 % sous sa moyenne mobile de 200 jours (1 601 $). Une situation extrême… pire qu’en 2008. C’est très rare, pour ne pas dire historique, que le cours s’éloigne à ce point de sa MM200. C’est une situation extraordinaire qui peut difficilement tenir longtemps dans le temps. Un retour vers la moyenne est inévitable, tôt ou tard.
Pourtant, étant donné les pressions vendeuses et la faiblesse de l’once, la baisse devrait se poursuivre. Il est probable que le cours se replie dans les prochaines semaines jusque vers les 1 050 $ (825 euros). Nous avons là un support long terme solide (cf. oblique bleue).
Les « mains faibles » sont en train d’être sorties du marché « manu militari »… Nous sommes en mode « épuration ».
Nous assistons probablement à la phase terminale de la consolidation de moyen terme entamée il y a 2 ans (à l’été 2011, lorsque l’or cotait 1 900 $).

Côté COT, la situation est encourageante

Jamais depuis 2002 les commerciaux (smart money) n’ont diminué à ce point leurs positions nettes vendeuses sur l’or. La situation est encore plus extrême sur l’argent métal (du jamais vu depuis 1997 !). Au point où nous en sommes, il ne manque pas beaucoup pour voir une position nette acheteuse se construire progressivement. Là encore, nous sommes confrontés à une situation extrême qui tôt ou tard doit se normaliser et conduira à une pression haussière sur le cours.

Du côté des indicateurs de sentiment

C’est la débandade. Ils sont tout simplement à des niveaux plus qu’extrêmes, sous les seuils du creux de 2008. Je crois n’avoir jamais vu un pessimisme ambiant aussi profond sur l’or. La dépression est démesurée. Là encore, il me paraît impossible qu’une situation aussi extrême dure dans le temps. Un retour vers la moyenne est inévitable.

Du côté des dernières news, ayez en tête que :

En mai, les Banques centrales rempilent et font grimper leurs réserves d’or : la Russie a acheté 6,2 tonnes d’or, le Kazakhstan 4, la Turquie 18,2 t ;
Le CME a encore fait grimper de 25% les appels de marge sur l’or et l’argent ;
L’Inde persiste et signe : après une hausse des taxes à l’import sur l’or, elle interdit à ses banques de prendre l’or en garantie pour octroyer des prêts ;
Enfin, du côté de la Chine, la crise de liquidité peut peser sur le cours de l’or quelque temps.

En synthèse :

La saisonnalité est mauvaise, l’or touchant en général un point bas l’été avant de se reprendre à l’automne. Il est donc probable que nous touchions le fond d’ici septembre. Ce fond pourrait être le support des 1 050 $. Et cela mettrait un terme à la grande correction de moyen terme entamée en 2011. Donc j’attendrais encore pour revenir (voire renforcer) sur l’or.
C’est un avis personnel, qui n’engage que moi. Pour la suite, vous connaissez mon point de vue. Je n’y reviens pas.

Petit point rapide sur les minières

La baisse du cours de l’or a entraîné un décrochage violent des mines, celles-ci devant passer de lourdes provisions pour dépréciations d’actifs.
L’indice HUI, qui affiche aujourd’hui 210 points, a perdu 68 % depuis son point haut de septembre 2011 (639 points).
Nous sommes entrés dans une zone de turbulence violente bien connue des minières dont l’activité est très cyclique : le cours de l’or devenant inférieur aux coûts de production, les mines ne sont plus rentables. Elles perdent de l’argent, ce qui les oblige à interrompre leur production et de cesser leurs investissements. Fermer les gisements va mener rapidement à une baisse importante de l’offre.
Sachant que l’offre d’or physique est déjà insuffisante aujourd’hui, cette situation fera remonter mécaniquement les cours de l’or tôt ou tard.
Ajoutez à cela l’impossibilité pour les juniors de se financer (les marchés ne leur sont plus accessibles et les banques ferment le verrou de l’argent). Les faillites vont se multiplier et c’est la production future de l’or qui est ainsi décimée.

Dans ces situations, seules les mines armées d’une trésorerie importante, capables de « faire le dos rond » un certain temps, s’en sortent.
Oui, les mines sont très cycliques ; aux hausses succèdent les baisses ; aux baisses succèdent les hausses… Nous sommes entre ces deux phases, comme à l’automne 2008. Et la question n’est pas de savoir SI le cycle baissier va s’inverser, mais QUAND.
Je situe le plancher dans la zone 150 points/200 points sur l’indice HUI. Probablement d’ici septembre. Donc j’attendrais encore un peu pour revenir sur les mines. Comme pour l’or, l’élastique est tendu jusqu’à un niveau extrême. Il est clairement en mode rupture. Un retour vers la moyenne est inévitable, tôt ou tard.

Au stade actuel, la seule stratégie qui vaille est probablement d’attendre le grand sell-off sur les mines pour ensuite remonter très progressivement dans les mines, en pyramidant progressivement à la hausse au fur et à mesure que la tendance haussière du cours de l’or se solidifie à coups de passage au-dessus de résistances cruciales.

Je vous conseille au passage de suivre de près la politique de couverture des mines dans les prochains jours et semaines. Leur volonté (ou non) de se hedger nous en dira long sur leurs anticipations quant à l’évolution du cours de l’once.
Voilà, en très bref et à chaud, une synthèse de mon point de vue sur l’or et les mines après le décrochage d’hier.

Restez à l’écoute.

Isabelle Mouilleseaux