« Le Black Friday fut bien un jour noir !… »

Mes chères contrariennes, mes chers contrariens !

Pour tout vous dire, je ne me lasse pas de ces dizaines de vidéos de part le monde, aussi bien en France qu’aux États-Unis, de ces foules de zombies lobotomisés à la consommation de masse, croyant trouver un bonheur de moins en moins durable dans des actes d’achats de plus en plus nombreux pour s’empiffrer de choses parfaitement inutiles, que plus généralement achetées à crédit avec de l’argent qu’ils n’ont pas, fabriquées par des petits chinois low cost (les mettant au chômage) dans le mépris le plus total du respect de la dignité humaine, le tout en plus très cher, histoire d’enrichir au passage quelques grandes multinationales dont la seule raison d’exister est de fournir à quelques très riches milliardaires constituant la caste dominante de cette planète les 20 % de profits supplémentaires chaque année.

Alors notre foule de zombies internationale se rue, se précipite sous les volets roulants métalliques à peine remontés afin de se jeter en premier sur l’objet tant convoité, dont les industriels et leurs services marketing organisent savamment la pénurie afin de renforcer cette sensation de manque, ce qui débouche inévitablement sur des scènes de quasi-émeutes commerciales où deux crétins aussi stupides l’un que l’autre sont prêts à entre-tuer pour avoir avant l’autre la dernière console xyz123 de chez bidule avec l’ultime jeu le plus violent histoire de se détendre sans doute après cette séance bien réelle de pugilat collectif.

Donc oui, moi qui déteste aller faire du « shopping », me retrouver dans les temples modernes (de la consommation) pour la prière collective du samedi après-midi à 15 heures en faisant la course entre les rayons pour faire des courses et en slalomant avec des Caddies de plus en plus gros (histoire qu’ils nous semblent de moins en moins pleins), je reste dubitatif que tout cela fonctionne. Je suis perplexe, incrédule face à de tels phénomènes de foule et pourtant j’ai beau connaître par cœur la théorie sur l’évolution de l’intelligence collective d’une foule par rapport à sa taille, je n’en reste pas moins sidéré.

Dire qu’il suffirait que nous arrêtions juste d’acheter tout ce qui est superflu pour que ce système infernal s’arrête de lui-même. Remarquez, en Grèce, c’est déjà le cas. Et lueur d’espoir au bout du tunnel, figurez-vous que plus le chômage (officiel) baisse aux USA… plus les consommateurs consomment de façon négative. Il y a outre-Atlantique désormais une croissance négative de la consommation, phénomène sans doute lié à la croissance qui accélère et à l’emploi qui fait des bons de cabri !

C’est un article du très sérieux New York Times qui titre : « Gloomy Numbers for Holiday Shopping’s Big Weekend » !

Cela fait vachement bien en anglais, en français ça pourrait donner une traduction approximative du style : « Gros week-end de merde, on a vendu vachement moins que prévu de i-bidules à tous ces cons sans pognon. » Je le reconnais, c’est plus une interprétation qu’une traduction littérale mais globalement, le sens y est.

Il n’y a pas à dire, au New York Times ils savent écrire :

« C’était une journée froide et claire à Leesburg, en Virginie, et un garde de sécurité dans un centre commercial a indiqué que la foule de milieu de matinée était semblable à celle d’un samedi typique et traditionnel. »

Comme chacun sait, Ben Bernanke le barbu de la FED écoute avec attention l’avis du vigile du Wall Mart américain (l’équivalent de Carrefour mais en version US donc c’est forcément encore plus gros). Et quand un vigile (qui a encore du boulot) constate qu’il n’y a pas foule, c’est un mauvais signe. Un très mauvais signe pour la croissance américaine (qui, je le répète, est de plus en plus forte, elle a même été révisée en hausse).

« Mais ce n’était pas un jour ordinaire. C’était LE Vendredi Noir, traditionnellement la plus grande journée de shopping de l’année… » Et c’est ainsi que le Black Friday (où tout est fermé sauf les temples de la consommation pour que tout le monde puisse aller prier avec sa carte bleue, Sainte Mère du porte-monnaie, priez pour nous et nos achats, maintenant et à l’heure de notre passage en caisse, Amen).

Un peu de culture américaine, après Halloween, Thanksgiving, qui peut se traduire par « le jour de l’action de grâce ». Ne me demandez pas le rapport entre une action de grâce spirituelle et un acte d’achat compulsif. En plus, ce jour-là est considéré comme le coup d’envoi de la saison des achats de fin d’année.

Or tenez-vous bien, ces « enfoirés » de consommateurs, il n’y a pas d’autres mots, ont dépensé presque 4 % de moins que l’année d’avant, ce qui fait tout de même presque deux milliards de dollars en moins dans les pôches du grand capital… Et ce n’est évidemment pas bon pour le « bizness » ni pour les bénefs car cette saison des fêtes représente tout de même de 20 à 40 % des ventes annuelles de tous les magasins importateurs de chômage, pardon de containers entiers de chinoiseries et le week-end de leur « action de grâce consumériste » environ 10 à 15 % de ce total. Rater le Black Friday c’est comme rater la saison des fêtes et c’est pas bon, mais alors pas bon du tout.

Vous pourrez même apprendre en lisant entièrement cet article que certains Américains n’aiment plus du tout faire les courses dans la cohue… Comme je les comprends.

Récapitulons :

1/ Ils n’ont plus beaucoup de sous tellement la croissance économique est forte.
2/ Ils n’ont plus envie d’aller se faire bousculer, faire ses courses devenant presque dangereux.
3/ Ils peuvent commander par Internet (bien que la hausse ne soit que de 1 % pour le commerce en ligne).

Eh bien voilà de bien bonnes nouvelles. Même Wall Mart (le Carrefour local) a fait des avertissements sur profits (« profit warning » in english) ce qui veut dire qu’ils ne vont pas gagner autant de fric que prévu, ce qui aura pour conséquence naturelle l’augmentation de l’action Wall Mart à Wall Street, vu que moins c’est bon, plus c’est meilleur en vertu de la novlangue et des néo-raisonnements en vigueur dans le monde occidental.

Moins c’est bon, plus les banques centrales donnent de l’argent gratuit, plus c’est meilleur. Je suis contraint de reconnaître qu’en terme de théorie économique un tel principe ne vaut pas un clou… mais que voulez-vous, les marchés peuvent se tromper plus longtemps que vous ne pouvez rester solvables, raison pour laquelle ils ont toujours raison, même quand ils ont tort.

Vous l’aurez compris il n’y a que dans la vie des statisticiens des mamamouchis qu’il y a croissance ou reprise, ou encore « dynamique » économique. Pour tous les autres, les vrais gens de la vraie vie, il n’y a que plans sociaux successifs, chômage endémique et massif, surendettement des ménages, baisse du pouvoir d’achat, et au bout du chemin une disette moderne incarnée par l’impossibilité de consommer et « d’exister » par l’acte d’achat (ce qui est très dur pour beaucoup).

Pendant ce temps, les taux poursuivent leur montée dans le plus grand des silences

Le 10 ans français est en hausse de 1,58 % à 2,44 % et le 10 ans américain de 0,74 % à 2,86 %. Je vous répète encore une fois de conserver un œil très attentif à ces deux indicateurs de taux. Une catastrophe majeure, une secousse violente sur les marchés boursiers peuvent être un peu anticipées en surveillant l’évolution des taux d’emprunt à 10 ans des grands États.

Enfin, c’est très important de le signaler aujourd’hui, le plus mauvais score est à attribuer à l’Allemagne dont les taux montent de 2,59 % et le 10 ans allemand s’établi à 1,86 % tout de même très loin des taux français.

C’est le marché obligataire qui commande aux flux financiers, et également aux flux de monnaies et qui contribuent grandement aux variations de taux de change. Tous les taux à 10 ans des pays les plus favorisés se rapprochent donc dangereusement de leurs plus hauts, ce qui explique en grande partie la fragilité qui vient de saisir les Bourses mondiales et en particulier française.

Restez à l’écoute.

À demain… si vous le voulez-bien !!

Charles SANNAT

Ceci est un article ‘presslib’, c’est-à-dire libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Le Contrarien Matin est un quotidien de décryptage sans concession de l’actualité économique édité par la société AuCOFFRE.com. Article écrit par Charles SANNAT, directeur des études économiques. Merci de visiter notre site. Vous pouvez vous abonner gratuitement www.lecontrarien.com.

http://www.nytimes.com/2013/12/02/business/economy/gloomy-numbers-for-holiday-shoppings-big-weekend.html?_r=1&

http://www.bloomberg.com/quote/GFRN10:IND

http://www.bloomberg.com/quote/USGG10YR:IND

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