BAII : le virage à 180° de Washington, épiphanie morale ou complot machiavélique ?

C’est un communiqué pour le moins pas sympathique que viennent de publier les autorités chinoises concernant l’attitude américaine au sujet de la Banque asiatique. C’est en filigrane plein de menaces et de mises en garde à l’égard de Washington.

Surprenant car généralement le ton utilisé par la Chine est toujours d’une extrême mesure et d’une grande pondération. Cela montre bien l’extrême tension qui existe actuellement entre les deux plus grandes puissances de la planète.

Charles SANNAT

BEIJING, 24 mars (Xinhua) – Les États-Unis ont apparemment dépassé leur paranoïa infantile contre la Banque asiatique d’investissements pour les infrastructures (BAII), mais ce développement encourageant ne devrait pas être autorisé à se tourner vers l’autre extrême : un complot machiavélique.

Des signaux ont été émis avec du retard par les États-Unis, indiquant qu’ils sont en train d’adopter une attitude coopérative quant à l’initiative proposée par la Chine, ce qui marque un apparent changement d’avis comparé à leurs précédentes suspicions et obstructions.

Ce virage à 180° de la seule superpuissance mondiale, qui a développé une répulsion presque instinctive pour tout ce qu’elle considère comme une possible menace pour son hégémonie, est en retard mais est toujours le bienvenu, et indique par la même occasion l’attractivité et la nature bénéfique pour tous de cette institution naissante.

Mais Washington a besoin de garder son épiphanie pure et irréprochable, et de résister à la tentation de la transformer en un complot machiavélique pour convertir ce projet en train de prendre son envol en un autre outil afin d’exercer son influence et imposer sa volonté. La BAII est née pour et vise à satisfaire l’énorme demande d’investissements dans les infrastructures dans cette Asie en croissance rapide, une demande qui a largement dépassé les capacités des actuels organismes de prêt régionaux et globaux.

Cela implique que sa création aidera non seulement à sortir de l’impasse dans le secteur des infrastructures, à encourager le développement régional, mais aussi certainement à apporter des bénéfices considérables à toutes les parties participant ou coopérant avec cette initiative. Ainsi, la BAII va devenir une nouvelle pierre angulaire de la fondation de l’architecture financière actuelle, soutenant le système au lieu de le saper, tout comme la Banque asiatique de développement et d’autres organismes régionaux similaires.

Une autre attraction de la BAII réside dans le fait que, comme l’ont insisté Beijing en chœur avec les autres participants et prétendants, la nouvelle banque fonctionnera comme un organisme ouvert et global dédié à la coopération et au développement, et non pas comme une arène pour exercer son pouvoir et son influence. Compte tenu du bilan de Washington dans les affaires internationales et les préoccupations quant à sa domination, la volte-face américaine a suscité des spéculations comme quoi la superpuissance, incapable de saboter la BAII, tente maintenant de garder l’institution financière initiée par la Chine sur sa propre orbite en s’impliquant avec elle.

Une telle théorie, bien que facile à comprendre, n’est pas nécessairement véritable, mais c’est sur les États-Unis que pèse le fardeau de clarifier la situation de manière convaincante pour prouver qu’ils n’ont pas de projet caché. Et il vaudrait mieux que Washington se soit réveillé avec changement d’avis réel, et non pas simplement avec un changement de tactique, car les membres de la BAII ne permettront pas à leur projet urgemment attendu et très prometteur d’être réduit à un échiquier de jeu géopolitique.